Victor Karady

karadyv@gmail.com

 

Le recrutement des étudiants de Hongrie à l’étranger pendant la grande transformation (1867-1918). (Perspectives comparatistes.)

 

            Toutes les formations sociales qui sortent du féodalisme et se constituent en sociétés nationales pour s’engager dans le processus de modernisation au cours du long 19e siècle - que ce soit sous forme d’Etat nation parlementaire (comme la plupart des pays de l’Est et du Centre européens) ou d’empire autoritaire à dominante nationale (comme la Russie ou la Turquie) – devaient affronter le problème du sous-développement de leur système éducatif pour ce qui est de la production d’élites professionnelles. Le réseau de leurs institutions scolaires de statut supérieur, qu’il soit issu de fondations anciennes, parfois moyenageuses (les universités de Cracovie ou de Prague fonctionnent sans discontinuété depuis le 14e siècle) ou de création plus récente, n’avait ni la capacité d’inclusion, ni l’équipement nécessaire, ni surtout le capital académique investi (ceci valant surtout pour les nouvelles universités) pour satisfaire une demande d’enseignement supérieur croissante, visant une formation à l’occidentale. Cette hausse de la demande a été impulsée par de multiples circonstances présidant à la naissance des sociétés industrielles. Celles-ci comprennent le besoin de cadres exprimé par l’administration des Etats modernes d’une part, par l’économie privée en voie d’industrialisation, d’autre part, le passage du modèle fondé sur la naissance et sur d’autres atouts essentiellement hérités (titres de noblesse, appartenance à l’Eglise ou à l’ethnie dominante, patrimoine familial) au modèle méritocratique, notamment intellectuel (titres universitaires, compétences certifiées, esprit d’entreprise, éthique de travail) dans la légitimation des élites, le déclin et parfois la ruine économique de la noblesse propriétaire, cette classe sociale de loisirs contrainte à la reconversion dans des activités rémunérées des services publics et semi-publics voire dans les professions libérales – toutes accessibles sur des titres scolaires supérieurs -,  ainsi que les exigences de formation et de socialisation d’élite émanant des ‘nouvelles couches montantes’ jadis exclus ou en marge des classes dominantes féodales (fils de la paysannerie propriétaire, bourgeoisie allogène, Juifs, etc.). En raison de cette hausse spectaculaire de la demande d’enseignement supérieur, on assiste à un double mouvement dans les décennies qui suit la Gründerzeit industrielle des années 1860-1870 – période identique à la création de la plupart des nouveaux Etats entre la Russie et l’Occident. Il y a d’abord la fondation ou la modernisation, suivies par la diversification et l’expansion des réseaux nationaux d’enseignement supérieur sur le modèle occidental (surtout prussien). Toutefois, parallèlement ou peu après (surtout depuis les années 1890), on observe à partir des pays de l’Est et balkaniques une véritable ruée vers les universités occidentales francophones (France, Belgique et Suisse francophones) ou germanophones (Allemagne, Autriche, Suisse alémanique). Avec des décalages dans le temps et des variations considérables quant aux conditions sociologiques de cet exode généralement mais pas toujours temporaire – les pérégrinations surmotivées par des persécutions politiques ou raciales peuvent se prolonger à vie -, toutes les sociétés nationales émergeantes du 19e siècle ont connu leur ‘crise occidentale’ dans la formation de leurs élites modernes.

Les pérégrinations des étudiants de Hongrie, dont on esquissera ici les principaux développements pendant le premier demi-siècle de l’indépendance étatique, représentent probablement un cas limite sous ce rapport. Alors que la ‘crise occidentale’ des autres Etats neufs a perduré au 20e siècle, dépassant même la césure de la Grande Guerre, la Hongrie a réussi à nationaliser tout le processus de formation de ses élites modernes dans le long 19e siècle, si bien qu’à la fin de l’époque observée – cette fin revenant également à la dislocation et au démembrement de l’Etat millénaire – le pays assumera, pour l’essentiel, une pleine autonomie universitaire. Dès le début du 20e siècle les pérégrinations tendent à ne plus jouer qu’un rôle subsidiaire de spécialisation ou de formation complémentaire, avant que le nouveau régime antilibéral qui s’installe à la suite des révolutions en 1919, ne renverse la donne avec la loi anti-juive de numerus clausus (à la rentrée de 1920). Alors que les pérégrinations en Occident sous l’égide de l’Etat libéral avaient ressorti à la logique de la modernisation de l’appareil universitaire en retard relatif et de l’inégale ‘modernité’ des groupes sociaux dont émanait la demande d’études – c’est à dire, en somme, à des effets d’un marché international libre des études supérieures -, la nature contrainte et la composition (avec une grosse majorité de Juifs) des pérégrinations de l’entre-deux-guerre (voire du second après-guerre) témoignent des crises d’une société en mal de modernisation à l’occidentale.

C’est un cas qui vaut un examen détaillé pour une raison d’ailleurs purement technique aussi. Grâce à un travail de longue haleine dû à l’équipe d’historiens dirigée par László Szögi, on dispose en Hongrie d’une documentation accumulée (et largement sinon entièrement publiée) d’une richesse probablement unique sur les pérégrinations d’étudiants depuis la Renaissance jusqu’en 1918. Pour la période 1867-1918 cette collection de données est désormais proche d’être complète, avec des notices prosopographiques sommaires sur quasiment chaque étudiant né dans le territoire de la Hongrie et identifiable dans une université occidentale (l’Italie comprise, mais en dehors des pays en l’occurrence peu fréquentés par des étudiants de Hongrie - telles la France ou la Belgique).[1]

 

*       *       *

 

Pour introduire nos analyses qui visent dans une stricte optique comparatiste à explorer le poids et les particularités socio-culturelles des pérégrinations en rapport avec le développement des formations supérieures dans le pays, il faut apporter quelques précisions factuelles sur l’état de l’infrastructure culturelle de la Hongrie à l’époque dite ‘dualiste’.

 Le système a réalisé sa ‘systématisation’ structurelle en 1849 par suite des réformes impériales prescrivant les trois niveaux hiérarchiques dont l’enseignement post-secondaire, conditionné par la réussite de ses candidats au baccalauréat (Matura, érettségi), constitue le couronnement. Plus on monte dans cette hiérarchie, plus le système est contrôlé par l’Etat, plus il est nationalisé au sens du monopol assuré des enseignements dispensés en hongrois, plus il s’aligne sur le régime des études dans la partie cisleithanienne (‘autrichienne’) de la Monarchie bicéphale et, par conséquent, s’intègre dans le vaste réseaux des universités de mouvance et (le plus souvent) de langue germaniques. Cela veut dire dans la pratique que la plupart des diplômes étrangers sont reconnus dans les marchés intellectuels nationaux, ou lorsqu’ils ne seront plus, comme en médecine depuis 1899[2], les huit semestres d’études (ou les dix semestres en médecine) peuvent être indifféremment passés en Hongrie comme dans une faculté du marché universitaire germanique (y compris les universités suisses et allemandes) : ceux-ci sont nécessaires à la candidature aux examens, notamment aux rigurosa de fin d’études. Le temps certifié des pérégrinations est donc compté comme celui des études dans le pays en dépit du fait que, au niveau supérieur, seule la formation des ministres du culte échappe à la nationalisation complète, alors que les réseaux scolaires primaires et secondaires sont décentralisés, largement contrôlés par les Eglises et dispensent leur enseignement pour partie dans les langues minoritaires de cette société multi-ethnique.[3]

 On doit rappeler ici le statut particulier des écoles supérieures des provinces non hongroises de la Monarchie bicéphale, comportant un réseau large d’établissements de langue allemande, mais aussi tchèques (depuis la division des universités de Prague en 1883), polonaises (avec les universités de Cracovie et de Lemberg /Lvow/), croates (avec l’université de Zagreb/Agram, fondée en 1874), voire italiennes (avec des cours dans cette langue dans les facultés à Innsbruck).[4] En raison de l’autonomie nationale dont jouit l’administration scolaire en Hongrie (une des ‘affaires intérieures’ propres à l’Etat hongrois issu du Compromis politique avec l’Empire conclu en 1867), les facultés et autres écoles de la partie dite cisleithanienne de la Monarchie seront symboliquement considérées ici comme relevant de l’étranger, d’autant plus qu’elles emploient d’autres idiomes que le magyar, langue d’Etat depuis 1843[5] Pourtant la fréquentation d’un établissement autrichien ne comportait pas les mêmes contraintes administratives ou policières que l’inscription dans une faculté extérieure à la Monarchie bicéphale, puisqu’il n’y avait pas de passage d’une frontière étatique. De plus, un Ungarndeutsch de l’Ouest, du Nord ou de l’Est du pays pouvait à juste titre se sentir chez lui à Vienne, à Graz ou à Prague puisque, sujet hongrois de langue maternelle allemande mais aussi sujet de l’Empire, il ne devait même pas changer de langue et – s’il venait des villes transdanubiennes ou slovaques de l’Ouest (Sopron, Pozsony/Pressburg/Bratislava ou Györ/Raab) – son déplacement fut plus court et moins onéreux que pour rejoindre Budapest. Le passage en Autriche pour des études conservait donc toujours sous la Monarchie Bicéphale une part d’ambiguité de se dépayser à l’étranger tout en restant dans l’Etat multiculturel dont on était citoyen. 

Dès lors les pérégrinations hongroises qui se dirigent surtout, on le verra, vers les établissements du champ culturel germanique, auront toujours des implications nationalitaires, mettant en cause le rapport qu’entretiennent les intéressés avec la langue et la culture de l’élite titulaire magyare mais encore, plus spécifiquement, avec la civilisation allemande. La sélection des partants et leur choix des établissements d’accueil seront donc guidés par des considérations politiques et culturelles précises – difficiles à explorer dans toutes leurs dimensions historiques dans le cadre réduit de cet essai. Ceci concerne en particulier les options que comportent l’assiduité dans un établissement d’un pays à dominante catholique (comme l’Autriche) ou protestante (comme la Prusse) pour un public universitaire appartenant à des élites confessionnellement très divisées à l’issue de la contre-réforme.[6] On retrouvera les effets de ces divisions derrière les chiffres globaux des migrants universitaires.

Finalement il convient de rappeler les problèmes posés par le statut variable et historiquement évolutif des établissements qu’on peut classer à l’époque considérée dans l’enseignement supérieur. Les facultés ne font pas de difficulté ici, puisqu’elles ne sont accessibles depuis 1850 qu’après l’achèvement de la Matura. Il y a cependant dans la Monarchie Bicéphale une série d’autres établissements à durée d’études courte (2-3 ans) qui n’exigent pas ou seulement tardivement le baccalauréat à leurs étudiants. Presque tous ceux qu’on qualifiera d’ «académies» sont dans ce cas, du moins après 1905 en Hongrie, lorsqu’on impose le bac pour toutes études officiellement qualifiées de supérieures. Les rares et partielles exceptions concernent d’une part la Ludovika Akadémia, école de formation des officiers de l’armée nationale Honvéd, à laquelle on fait accéder les non bacheliers aussi, à condition d’avoir toutefois accompli leur cycle scolaire secondaire complet jusqu’à la 8e (classe terminale), ainsi que, d’autre part, certains grands séminaires et académies théologiques en principe également lié à la Matura, mais dont seules les Eglises contrôlent en réalité l’accès. Nous tenterons de restreindre les données citées dans la suite aux ‘vrais étudiants’ présumés bacheliers (avec les élèves de Ludovika Akadémia et des grands séminaires globalement assimilés à ceux-ci).  

 

L’évolution du poids des études à l’étranger

 

Si l’on dispose d’excellents recensements prosopographiques sur les pérégrinations, il est difficile d’ajuster ceux-ci aux chiffres des étudiants de Hongrie à l’étranger à des dates exactes, parce que les migrants pouvaient et devaient rester un nombre variable de semestres ou d’années à l’étranger, d’où difficulté d’en faire des inventaires datés, sauf à procéder à des estimations. Par bonheur, les services statistiques fournissent à partir de 1881 des chiffres afférants précisément datés qu’on peut rapprocher des effectifs d’étudiants dans le pays selon les principales options universitaires (tels les disciplines ou le lieu des études).

Il ressort clairement du 1. tableau (dernière ligne) que pendant les décennies à cheval sur le tournant du siècle les effectifs globaux d’étudiants de Hongrie se sont multipliés en indice relatif de 100 à 220 : toutefois les contingents à l’étranger sont restés stables ou ont diminué, alors que ceux demeurant à l’intérieur ont connu une hausse de 100 à 253. De la sorte les proportions d’étudiants à l’étranger se sont divisées par plus de deux, ne représentant à la veille de la Grande Guerre qu’une portion congrue (moin d’un dixième de l’ensemble), aprés avoir avoisiné le quart de tous les effectifs au début de nos observations. Un relevé statistique précis fixe la proportion des étudiants de Hongrie à l’étranger à 18,2 % en 1881-89, à 12,5 % en 1891-90, à 9,2 % en 19001-1910 et à  9 % 1911-1914,[7] ce qui correspond exactement à nos estimations.

On remarquera surtout l’inégale distribution de ces disparités historiques entre les disciplines.

En théologie et en droit les pérégrinations avaient des fonctions moindres que dans d’autres disciplines dans la formation des professionnels, quoique pour des raisons probablement différentes. L’éducation des ministres du culte à l’époque post-féodale, lorsque toute restriction à la formation des pasteurs protestants (imposée à l’époque de la contre-réforme) était depuis longtemps abolie, très localisée dans les diocèses et circonscriptions confessionnelles. Seuls les clercs destinés à une formation supplémentaire en vue du professorat en théologie ou des positions ecclésiastiques supérieures devaient rechercher les facultés théologiques étrangères.Tandis que d’importants contingents d’étudiants de théologie calvinistes ou luthériens pouvaient être identifiées dans les universités hollandaises ou prussiennes jusqu’à la fin du 18e et même au début du 19e siècle, ces contingents se réduisent considérablement pare la suite.[8] Il n’y avait plus, en règle générale, que des diplômés sortis 

 

1. tableau

Les effectifs d’étudiants de Hongrie[9] dans les universités hongroises et étrangères (1881-1913)[10]

                                    1      8      8      1                        1      9      0      0             1913

 

Hongrie

étranger

% à l’étranger

Hongrie

étranger

% à l’étranger

Hongrie

étranger

% à l’étranger

Théologie

1753

150

7,9

1832

120

6,1

1951

190

8,9

Droit

2454

328

11,8

5645

243

4,1

6465

290

4,3

Médecine,Pharmacie

897

667

42,6

731

231

24,0

3810

496

11,5

Lettres et sciences

533

212

28,5

1179

136

10,3

1467

247

14,4

Polytechnique

726

352

32,6

2015

374

15,7

3217

463

12,6

Ensemble

6363

1709

21,2

11402

1104

8,8

16085

1686

9,5

 

des académies théologiques ou des étudiants avancés pour s’engager dans des études hors les frontières, ce qui ne touchait qu’une petite minorité intellectuellement distinguée des novices. En Hongrie les églises protestantes suivaient de plus en plus ce modèle depuis leur émancipation (1782). Les titulaires d’un diplôme d’académie théologique pouvaient partir pour quelques temps à l’étranger, en quête notamment d’un titre de doctorat accessible seulement dans une faculté de théologie protestante, inexistante en Hongrie avant 1919.

 Pour ce qui est du droit, cette discipline est liée au système juridique national, d’où l’intérêt passablement limité des études à l’étranger, sauf pour une formation supérieure supplémentaire ou – cas pas du tout rare en Hongrie dans la seconde moitié du 19e siècle – pour préparer des projets d’émigration et d’installation hors les frontières, notamment dans la partie autrichienne de l’Empire des Habsbourgs. L’ouverture de la ville de Vienne devant l’immigration juive en 1849 devait contribuer à la croissance dans les facultés de droit autrichiennes des effectifs de juristes originaires de Hongrie aussi. La fréquentation des facultés juridiques allemandes devait répondre davantage à la quête d’une sorte de gentrification intellectuelle pour les membres de la future classe politique et de l’élite administrative de l’Etat nation émergeant. C’est peut-être pour cela que, insignifiante au début du 19e siècle en Allemagne, la proportion des juristes parmi les étudiants en Hongrie monte jusqu’à 11 % après 1867 pour atteindre 18 % dans les décennies précédant la Grande Guerre. « Après le tournant du siècle il était de mode ou même obligatoire de passer un ou deux semestres dans une université allemande ».[11] 

C’est dans les branches d’études scientifiques les plus ‘modernes’, dont l’enseignement demandait des équipements techniques les plus complexes (laboratoires d’expérimentation, amphithéâtres de démonstration), lequelles étaient crédités des progrès de pointe les plus spectaculaires mais aussi représentaient les études les plus difficiles – Polytechnique et médecine – que la décrue de la fréquentation des universités étrangères s’est avérée la plus lente, c’est à dire la plus tardive, mais aussi la moins décisive. Ici une certaine avance distinctive des grandes facultés germaniques de Vienne, de Prague ou d’Allemagne s’est fait sentir ses effets jusqu’au bout, bien qu’en forte diminution après 1900. En Lettres et Sciences – correspondant aux facultés philosophiques de la plupart des universités européennes qui n’ont pas suivi la mutation napoléonienne de l’Université de France[12] et conservaient la vieille tradition de l’unité des artes liberales - les pérégrinations ont pu continuer plus qu’ailleurs à cause de la recherche de formation spécialisée souvent postgraduelle en philologie et lettres germaniques, ainsi que, plus largement, grâce au prestige des Ecoles historique et philologique allemandes dont les maîtres à penser siègent à Berlin, à Munich ou à Leipzig.[13] Il faut en effet se souvenir que derrière tous ces chiffres une analyse plus détaillée, remontant aux motivations personnelles des départs, trouverait souvent des personnalités phares dans des facultés en question, dont l’autorité intellectuelle a pu servir d’attraction primaire aux candidats aux pérégrinations.

            On peut maintenant donner une vue d’ensemble de l’orientation des pérégrinations selon les régions ou pays d’accueil, comme elle ressort du tableau 2 .

 

2. Tableau

Les destinés des pérégrinations des étudiants de Hongrie dans les universités étrangères[14]     

 

 

1881/82

 

1889/90

1899/1900

1909/10

1913/14

Université de Vienne

58,3

58,6

34,8

33,0

28,9

Universités autrichiennes

Hors Vienne

14,6

20,2

16,9

14,8

18,2

Universités d’Allemagne

5,6

6,6

12,9

16,4

19,2

Universités de Suisse

0,8

0,4

1,5

2,8

3,9

Autres universités

(France, Pays-Bas)

 -

-

-

2,8

2,7

Polytechnique de Vienne

14,2

7,1

7,2

9,2

7,2

Polytechniques autrichiennes

HorsVienne

2,5

1,9

1,9

6,5

6,2

Polytechniques d’Allemagne

1,7

2,6

2,6

11,7

11,5

Polytechnique suisse (Zurich)

2,2

2,6

2,6

2,8

2,5

Total

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

N =

1709

1309

1104

1547

1690

 

            La direction des pérégrinations hongroises présente une évolution claire des lieux d’accueil de l’int érieur de l’Empire Habsbourgeois vers l’extérieur, mais toujours pour l’essentiel dans le cadre du vaste marché universitaire germanophone. La part de Vienne, capitale d’empire avec les universités de langue allemande les plus importantes en dehors de l’Allemagne, reste toujours passablement hégémonique, réunissant à la veille de la Guerre Mondiale encore plus d’un tiers des choix (lorsqu’on compte ensemble l’Université et la Polytechnique). Mais cette part viennoise n’a pourtant cessé manifestement de se réduire, se divisant par deux, en proportions relatives, pendant les trentaines d’années observées. Toutefois l’ensemble des destinations universitaires à l’intérieur de la Monarchie Bicéphale constitue jusqu’au bout la grosse majorité des options pour les partants, bien que cette majorité ne soit aussi prépondérante à la fin de la période (60 %) qu’au début (90 %). Dans ce cadre aussi on remarque cependant quelques glissements, avec certains établissements (dont les universités allemandes de Graz et de Prague, y compris la Polytechnique de cette ville – près des frontières hongroises) surgissant au tournant du siècle parmi les lieux d’accueil préférentiellement envisagés. Mais le décalage le plus significatif se fait au bénéfice de l’Allemagne. La montée en puissance des universités allemandes se manifeste nettement au début du 20e siècle, au point que, à la veille de la Guerre, près d’un tiers des étudiants de Hongrie à l’étranger poursuivent leurs études en Allemagne. Les autres pays d’accueil – la Suisse[15], le Pays-Bas, l’Italie voire la France[16] – ne récoltent que fort peu d’étudiants de Hongrie en déplacement et ceci seulement à partir du tournant du siècle. On ne trouve que quelques étudiants de théologie calvinistes originaires de Hongrie aux Pays-Bas. La Belgique ne figure même pas parmi les destinés des pérégrinations dans les statistiques hongroises,[17] tout comme l’Italie ou l’Angleterre – ces dernières n’étant pas encore entrées dans le club des grands pays d’accueil universitaire avant l’entre-deux-guerres.[18]

            C’est par là qu’on peut rappeler la particularité tout à fait singulière des pérégrinations hongroises à l’époque moderne, leur concentration absolue dans le marché universitaire germanophone, Suisse comprise : à titre d’exemple, seulement quelques 332 étudiants de Hongrie ont été comptabilisées dans les universités francophones de la Confédération entre 1867 et 1918, alors que les établissements universitaires germanophones du même pays en ont accueilli près de quatre fois plus (1297 dont 716 dans la seule Polytechnique de Zurich).[19] On ne connaît guère d’autres milieux intellectuels nationaux en Europe avec la même fixation sur l’enseignement supérieur germanique à cette époque, surtout dans l’intelligentsia des pays de l’Est, tous partagés sous ce rapport entre les marchés français et germanique, mais au bénéfice du premier. En Allemagne les proportions d’étrangers en général n’ont pas dépassé 8 % de tous les étudiants dans les décennies d’avant 1918, alors qu’en France celles-ci atteignent 10 % vers 1908 déjà, pour monter jusqu’à 14,7 % en 1914 et 17 % en 1918.[20] En chiffres absolus, dans les années 1890 il y avait encore plus d’étudiants étrangers en Allemagne (par exemple 2033 en 1895) qu’en France (1437 en 1895). La hausse s’accentue dans les deux pays dans la première décennie du 20e siècle, mais les rapports chiffrés se renversent progressivement et fortement à partir de 1908 à la faveur de la France : en 1912 il y a déjà 5569 étudiants étrangers dans l’Hexagone contre 4455 outre Rhin.[21] Le cas de la Hongrie, avec l’hégémonie persistante des options pour les établissements supérieurs germaniques, apparaît donc comme tout-à-fait exceptionnel.

            Ceci étant, les lieux d’accueil sont fortement marqués par la spécialisation des choix pour les disciplines, ce qui est illustrée dans le tableau 3. Les choix globalement rares – théologie et droit, sont assez également répartis entre les pays et les villes universitaires. Il faut toutefois se souvenir que l’Autriche – pays à dominante catholique – concentre plutôt des étudiants en théologie catholique, alors que la Suisse et l’Allemangne, pays à dominante protestante, attirent des candidats aux professions cléricales respectivement calvinistes ou luthériennes. Pour ce qui est du droit, discipline très ancrée dans les systèmes législatifs nationaux, on peut supposer que parmi les migrants plus que d’autres étudiants étaient à la recherche de formation supplémentaire au delà ou à côté de son diplôme de base. Ils étaient de toute façon très sous-représentés à l’étranger (moins d’un cinquième de l’agrégat), en comparaison avec les étudiants juristes de Hongrie (plus de deux-cinquièmes de l’ensemble).

 

3. Tableau

Estimation de la répartition des disciplines choisies par les étudiants de Hongrie dans les universités étrangères selon les lieux d’accueil[22]

 

 

Vienne

Autriche

Hors Vienne

Allemagne

Suisse

Ailleurs[23]

Ensemble

 

Etudiants en Hongrie[24]

Théologie

7,6

13,8

13,0

9,1

3,4

10,0

 

16,0

Droit

19,2

19,2

19,7

10,3

36,4

19,1

 

42,0

Médecine, pharmacie

41,7

39,7

9,4

5,3

3,4

32,8

 

15,7

Lettres et sciences

10,9

7,1

20,9

16,7

56,8

12,9

 

9,2

Polytechnique

20,5

20,2

37,1

58,5

-

25,2

 

16,9

Total

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

 

100,0

base de l’estimation

3957

1534

1435

340

88

7354

 

34 675

 

            Le cas des formations littéraires et scientifiques classiques, y compris les études germaniques, s’avère plus complexe. Elles font l’objet de choix plus fréquents à l’étranger que dans le pays même. Ceci se comprend facilement pour les études germaniques qui ont un poids considérable pour les étudiants en lettres : elles représentent une des matières d’enseignement importante de toutes les filières secondaires conduisant à l’université (notamment des gymnasiums et des Realschulen[25]), mais encore parce qu’elles introduisent dans la civilisation germanique, culture occidentale dominante dans le processus de modernisation des élites en Hongrie comme partout dans l’Empire Habsbourgeois et – pour partie du moins – ailleurs dans l’Est, dans le Sud-Est et dans le Nord européens pendant tout le long 19e siècle, voire au-delà. Cela n’explique pourtant pas l’attrait des autres études littéraires et scientifiques autrement que par le prestige des universités occidentales, notamment allemandes, siège du développement de l’Ecole historique, de la philologie et l’hermeneutique classiques, la philosophie universitaire du kantianisme à la phénoménologie et – après le tournant du 20e siècle – la sociologie classique (avec Simmel ou Max Weber), sans parler des sciences expérimentales dans lesquelles les facultés philosophiques allemandes ont joué un rôle de pionnier. Les rares étudiants de Hongrie inscrits dans une université française l’étaient majoritairement en lettres.

            Mais les pérégrinations en question furent sans conteste dominées par la médecine – surtout en Autriche -, ou par des études d’ingénieur – plus particulièrement en Allemagne et en Suisse (avec une majorité de tous les étudiants de Hongrie en Suisse à la Polytechnique de Zurich).

Sous ce rapport on observe une véritable division de travail entre les deux grandes puissances du champ universitaire germanique. Outre les rapports de forces intellectuels entre les deux systèmes – l’Allemagne devenant avec sa technologie de pointe au 19e siècle finissant la principale source d’inventions et d’enseignements technologiques – c’est la position professionnelle des médecins et des ingénieurs de Hongrie, formés à l’étranger, qui permet de rendre compte de ces différences. En médecine la Faculté de Vienne et les autres facultés de la Monarchie continuaient jusqu’au bout à servir de point de fixation parce que les diplômes qu’elles offraient restaient valables dans toute la Monarchie Bicéphale, leur marché d’activité naturelle strictement règlementé par l’Etat, lors même qu’en Hongrie les doctorats de médecine étrangers devaient être soumis, à partir de 1899, à une procédure passablement formelle de ‘nostrification’ (équivalence accordée au diplôme étranger). Pour ce qui est des diplômés des Polytechniques, leurs titulaires se plaçaient dans les entreprises privées ou à leur compte, si bien que le marché de l’expertise technologique échappait davantage au contrôle public, sinon à toute règlementation. C’est pour cela qu’on trouve assez peu de cas de ‘nostrifications’. Leur répartition donne pourtant, en filigrane, une sorte de cartographie de l’évolution des rapports de forces intellectuelles en Europe Centrale en matière de formation d’ingénieurs dans cette compétititon toute virtuelle entre lieux d’accueil.

 

4. Tableau

Les équivalences de diplômes accordées par la Polytechnique de Budapest selon les lieux d’obtention des diplômes d’ingénieur à l’étranger (1874-1919)[26]

 

 

1874-

1889

1890

1899

1900-

1909

1910-

1919

Allemagne

19

23

36

49

Vienne

27

37

38

22

Empire d’Autriche

(hors Vienne)[27]

7

16

5

13

Zurich (et ailleurs)

48

23

21

16

Total

100

100

100

100

N =

75

56

42

63

 

L’exemple des équivalences est intéressant, quelque limitée qu’en puisse être la portée aux seules études d’ingénieur, parce qu’il illustre la nette translation vers l’Allemagne de la quête d’études technologiques dans les pérégrinations hongroises. Certes Vienne conserve de fortes positions jusqu’au bout, alors que celles de Zurich s’affaiblissent progressivement et l’attrait des autres Polytechniques de la Monarchie (surtout l’institution allemande de Prague) oscille à un niveau modeste.

 

La sélection par l’ethnicité et par le culte

 

            Dans notre introduction (voir particulièrement les notes 3 et 6) on a fait état du caractère culturellement exceptionnellement composite des publics universitaires de la Hongrie – un pays sans majorité ethnique ni religieuse clairement établies à l’époque de la construction nationale. C’est d’ailleurs délibérément pour cela qu’on ne parle pas dans ce travail « d’étudiants hongrois » mais seulement « d’étudiants de Hongrie », le statut nationalitaire d’une bonne partie de cette clientèle universitaire faisant problème, bien qu’on se réfère ici toujours à des agrégats en cours d’études supérieures identifiés par leur naissance ou/et par leur citoyenneté hongroise(s). Ce caractère profondément multiculturel de la population de la Hongrie post-féodale s’est en effet, pour un faisceau de raisons complexes, singulièrement imprimé dans les nouvelles élites montant à la faveur de la modernisation capitalistique et institutionnelle (étatique). Celles-ci comprennent la nature et l’inégale distribution selon l’ethnicité et le statut confessionnel des capitaux investis – notamment des propriétés foncières-, de l’héritage culturel, des relations d’alliance politiques, du rapport plus ou moins positif avec l’Etat nation hongrois, des capacités d’entrepreneur, de l’ethique de travail incorporée, enfin des dispositions quant aux défis et aux chances de mobilité ou de conversion économiques, professionnelles et intellectuelles. Si le matériel d’enquête qu’on traite ici ne permet pas une analyse circonstanciée de toutes ces variables, dont l’effet peut se résumer par le rapport à la modernité, bien des facteurs évoqués perceront dans les données qu’on présentera ci-après sur la sélection ethnique et confessionnelle des étudiants à l’étranger en comparaison avec ceux restant en Hongrie.

            Commençons par le rappel d’une question technique de poids qui touche à la définition de l’ancrage culturel et de l’ethnicité dans la Hongrie libérale.

 La saisie de l’appartenance confessionnelle soulève apparamment moins de problèmes, puisqu’il s’agit d’une donnée d’état civile en quelque sorte ‘objective’, qui figure dans tout enregistrement des personnes dans la Monarchie Habsbourgeoise et, par conséquent, dans la plupart des sources d’archives exploitées dans nos enquêtes. On doit toutefois prendre en compte deux difficultés. La première concerne le manque ou la rareté d’informations confessionnelles dans les pays en voie de sécularisation avancée, comme la Suisse ou la France, voire la partie prussienne de l’Empire allemand.[28] En l’état actuel de nos recherches on n’est pas en mesure de réduire beaucoup ce défaut, sauf par voie d’identification des étudiants en Hongrie ou dans la Monarchie bicéphale – ou la confession est indiquée – à ceux qui font des études ailleurs. La seconde difficulté touche aux étudiants juifs baptisés qu’il serait intéressant de pouvoir identifier en tant que tels – ce qui n’est pas possible avec notre appareil d’enquête. Sachant que la probabilité des conversions pendant l’époque étudiée a été fortement liée au statut d’élite,[29] notamment aux études longues, on est simplement en droit de supposer que les Juifs saisis dans nos enquêtes par leur statut confessionnel d’Israélite ne constituent qu’une fraction sans doute majoritaire des étudiants d’origine juive concernés. C’est donc une estimation minimaliste de la présence universitaire des Juifs dont on ne peut pas empiriquement déterminer l’ampleur réelle. 

Quant à l’ethnicité, on en mettra en oeuvre deux approches, la première par la langue maternelle déclarée, la seconde par le codage du caractère ethnique des patronymes. La langue maternelle, définition officielle de la nationalité dans les recensements de la population de l’Empire bicéphale, présente des incertitudes certaines mais difficiles à saisir. Elle peut conduire à sous-estimer la part des allogènes soumis à la pression assimilationniste des élites et des autorités hongroises. Elle peut toutefois aussi, paradoxalement, inciter des sujets bilingues ou multilingues à se déclarer de langue maternelle allemande dans un environnement germanique, comme lors de l’inscription dans une faculté avec langue d’enseignement allemande. On n’a guère des moyens pour lever cette incertitude. Le codage de la nature nationale des patronymes, s’il permet d’identifier des sujets selon leur qscendqnce ou origine ethniques (quoique seulement du côté paternel), ne renseigne pas directement sur l’identité nationale, puisque les personnes ou les familles portant patronyme allemand, slovaque ou juif ont pu se ‘magyariser’ – c’est à dire adopter une identité nationale hongroise – depuis plusieurs générations au moment du constat. Incapables d’éliminer ce biais, on ne prendra ici la définition de l’ethnicité par les patronymes que pour une simple approximation des ‘origines nationales’ dont la valeur heuristique s’avère pourtant, on le verra, statistiquement très significative, propre à étayer des interprétations socio-historiques crédibles de nos données.    

            Le tableau 5 offre un panorama synthétique de la composition du corps estudiantin de Hongrie selon le culte dans les principaux lieux de formation à l’époque libérale. La Suisse y fait défaut non seulement en raison de la faiblesse relative de la fréquentation des établissements helvétiques par la clientèle universitaire de Hongrie, mais aussi parce que les données sur la religion y manquent dans les sources d’archives utilisées. Les inégalités qui s’expriment ici font figurer, en raccourci, l’essentiel des disparités socio-culturelles qui marquent l’accès aux élites cultivées dans la première longue phase de la modernisation post-féodale de la société hongroise.

            A première vue, en comparant la répartition confessionnelle de la population et des étudiants, on est surtout frappé par la surreprésentation extrêmement forte des Juifs parmi les étudiants (mesurée par un multiple de 3 à 7 fois leur part dans la population, selon les lieux) et – plus modérée mais systématique - des Luthériens (mesurée par un multiple de 1,2 à 5,5 fois leur part dans la population). Alors que les Juifs sont les plus concentrés dans les universités de la capitale hongroise d’abord et secondairement à l’étranger, tandis que leur proportion est moins élevée (bien que très substantielle) à Kolozsvàr qu’ailleurs, chez les Luthériens on trouve une distribution très différente. Leur surreprésentation dans les facultés classiques de Kolozsvár et de Budapest s’avère médiocre, comparée à leur présence très forte à la Polytechnique de Budapest et partout dans les établissements supérieurs étrangers, plus particulièrement en Allemagne, où ils occupent plus d’un tiers des bancs des salles de cours réservés aux étudiants de Hongrie. Or il s’agit de deux agrégats confessionnels fortement marqués par l’allogénat et, plus spécifiquement, par la présence d’une composante germanique. Historiquement les Juifs ont toujours été qualifiés par les attributs d’une sorte d’altérité radicale dans l’ensemble national, malgré les progrès rapides de leur l’assimilation culturelle et intégration sociale. Les Luthériens, en revanche, malgré quelques velléités assimilationniste de certains de leurs composantes régionales (surtout dans le Nord du pays) affichaient ouvertement dans leur majorité leur obédience linguistique allogène. Ils étaient par

 

5. Tableau

Les étudiants et diplômés de Hongrie dans les universités hongroises et étrangères ainsi que la population du pays selon la confession (1850-1918)

 

                           Kolozsvár Buda-  Poly-     Vienne  Vienne  Prague   Allemagne[30] popula-

1872-      pest      tech-      1849-    1890-   1850-     1867-  1895- tion de

1918[31]    1870-   nique      1867[32] 1918[33]  1918[34]    1880   1918  Hongrie

                                           1918[35]  Buda-                                                                   1900[36]

                                                        pest                                

                                                       1870-

                                                       1918[37] 

                                                                                                                                               Cath. romains         34,2       39,7     38,1         37,6      46,2       54,9      24,5    24,0    48,7        

Calvinistes              25,8      10,8        3,0           4,7       3,7         1,6        4,7      4,7     14,4      

Luthériens                9,7        8,9      16,1         23,2      17,5       12,7      41,3    32,3      7,5     

’Protestants’              -             -          -              -             -           5,8        1,6        -         -

Juifs                        14,2       35,6     40,7         26,8      23,4       20,1      17,3    27,1      4,9

Unitariens                4,2         0,2        0,4           0,1       0,2           -          0,3      0,5      0,4

Gréco-Catholiques  7,2         2,7        0,7           2,7        2,2        0,7         1,0      0,9    10,9

Gréco-Orthodoxes   4,7        2,0         1,2          4,7        6,8       10,0        3,2      3,4     13,1

Total                    100,0     100,0     100,0      100,0    100,0    100,0     100,0  100,0   100,0

effectifs[38]           18.154    25.571    2504      6.453    6.247    1.147     1.468  3.209

 

exemple surtout Slovaques (39,5 %) ou Allemands (35,3 %), alors que seulement 23,2 % d’entre eux se déclaraient comme locuteurs magyars au recensement de 1880 encore.[39] Sachant qu’au moins un tiers des Catholiques romains aussi étaient à l’époque de souche allemande (‘Souabes’) dans la population[40] et – comme on verra plus précisément dans le tableau 5 . – encore davantage dans le corps estudiantin, on peut d’ores et déjà en conclure que les groupes allogènes occupaient des positions majoritaires dans les nouvelles élites cultivées de la Hongrie libérale et que les Magyars de souche, groupe titulaire de l’Etat nation, n’y figuraient que comme une minorité beaucoup plus faible que dans la population.[41]  En effet les Catholiques romains, le plus gros agrégat confessionnel, montre une présence en deçà de la moyenne parmi les étudiants (sauf à Prague où ils étaient majoritaires).

La surreprésentation ne concernait donc pas tous les adhérants des églises à forte composante d’allogènes, à savoir ni les Catholiques latins, ni encore – bien davantage - les Chrétiens orientaux. Les Gréco-catholiques (Uniates) ou les Gréco-orthodoxes presque entièrement Roumain, Serbes ou Ukrainiens, font en effet figure dans le tableau 4. d’agrégats de loin les moins scolarisés au niveau supérieur: ils totalisent en effet un quart de la population mais seulement un dixième ou bien moins parmi les populations estudiantines citées. Pourtant on doit remarquer que leur présence est nettement moins faible à Kolozsvár qu’ailleurs, c’est à dire dans l’université entouré par leurs zones résidentielles principales.[42] Chez les Gréco-orthodoxes (presque exclusivement Roumains et Serbes) on notera également une présence significative à l’étranger aussi, surtout à Vienne et un quasi-évitement des universités de la capitale hongroise. On peut déceler derrière ces options très inégalitaires les reflets d’une vieille aliénation – qui a maintes fois viré à l’hostilité ouverte - des allogènes du Sud et de l’Est hongrois par rapport à la construction nationale en Hongrie. Celle-ci avait pris des aspects proprement politiques pendant la Révolution et Guerre d’indépendance en 1848-49, de même que pendant les décennies d’après 1867, lorsque les Roumains et Serbes concernés se laissaient souvent mobiliser contre le nationalisme hongrois pour développer diverses formes d’adhésion symboliques aux Etats nations roumains et serbes qui se sont établis entre-temps (et reconnus par les Puissances occidentales au Congrès de Berlin à 1878) au sud des frontières de la Monarchie Bicéphale. Si l’on ne trouve que de façon atténuée des traces de pareille préférence de Vienne (capitale d’empire à l’image catholique) contre Budapest chez les Gréco-Catholiques aussi, c’est que ces derniers se considéraient comme beaucoup plus intégrés que les Orthodoxes, symboliquement, dans un ensemble national dominé par les Chrétiens occidentaux, notamment par l’Eglise soeur des Catholiques romains.   

Dans cette hiérarchie de la présence dans l’élite cultivée montante, les adhérants des deux confessions presque purement magyares par l’appartenance ethnique[43], les Calvinistes et

 

6. Tableau

Le recrutement des étudiants de Hongrie à l’étranger et dans le pays selon des indices combinés d’ethnicité et de confession.

 

 

En Allemagne

1867-1918[44]

A Vienne

1890-1918[45]

Université Kolozsvár

1872-1918[46]

Université

Budapest

cc.1870-1918[47]

Estimation

de la répartition de la population

(1880)[48]

Catholiques romains

Magyars

9,1

25,5

18,0

18,5

25,1

Catholiques romains

Allemands

8,9

16,1

7,4

10,6

8,6

Catholiques romains

Autres (surtout Slovaques)

6,2

2,5

8,7

10,6

13,5

Calvinistes (surtout Magyars)

5,2

2,9

25,8

10,7

14,7

Gréco-Catholiques  Roumains

0,3

1,8

7,2

2,7

6,4

Greco-catholiques (surtout Ukrainiens)

0,7

0,5

 

 

4,5

Luthériens hongrois

10,7

4,3

1,8

3,3

1,9

Luthériens allemands

21,4

11,0

5,7

3,2

2,8

Luthériens autres (surtout Slovaques)

10,3

0,7

2,2

2,6

3,5

Juifs hongrois

5,2

17,5

4,5

23,0

2,6

Juifs surtout allemands[49]

18,2

9,7

9,6

12,6

1,9

Orthodoxes grecs roumains

1,4

3,1

7,2

2,0

10,6

Orthodoxes grecs autres (Serbes, etc.)

2,4

4,1

 

 

3,5

Unitariens

-

0,2

4,2

0,2

0,4

Total

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

N =

4581

5073

18079

25592

13 720 815

Effectif d’inconnus

5314

999

3945

4305

 

 

les Unitariens,  prennent une place à part en raison de leur surreprésentation considérable (qui va chez les Unitariens jusqu’à un multiple de 10 par rapport à leur proportion dans la population !) à l’Université de Kolozsvár, mais aussi par leurs positions faibles dans les universités de la capitale et proprement insignifiantes à l’étranger. On peut rapprocher, du moins chez les Unitariens, cette surreprésentation unique à Kolozsvár au fait que la population parente résidait essentiellement en Transylvanie, dont Kolozsvár fut la capitale régionale.[50]

Ces résultats permettent d’ores et déjà de confirmer la conclusion préalable, évoquée plus haut, sur un rapport inverse entre l’identité proprement magyare et les propensités de faire des études à l’étranger, le contraire n’étant vrai que partiellement : la surreprésentation parmi les étudiants ne s’appliquant qu’aux allogènes ‘occidentalisés’, c’est à dire surtout à ceux de culture germanique. Les données du 6. tableau, combinant des informations sur l’ethnicité et la religion, autorisent une analyse plus poussée en ce sens.

            Chaque fois qu’on peut opposer des agrégats aux attaches germaniques aux autres, on peut constater une nette avance des premiers au dépens des derniers en terme de présence universitaire. Cela s’applique aux catholiques romains et aux Luthériens avec des variations intéressante selon les lieux d’accueil, ce qui permet de faire l’hypothèse que la direction des pérégrinations devait beaucoup aux affinités confessionnelles aussi. Alors que les Allemands (de langue ou de patronyme) sont presque toujours fortement surreprésentés parmi les étudiants, les Magyars (de langue ou de patronyme) ne le sont pas toujours ou le sont à un moindre degré. Il est vrai que les autres Catholiques romains et Luthériens (surtout Slovaques) sont encore plus rares le plus souvent sur les bancs de l’enseignement supérieur. En dépit de ceci, il faut remarquer aussi que les ‘autres Luthériens’ (surtout Slovaques) restent exceptionnellement bien positionnés en Allemagne à majorité prussienne et luthérienne, comme d’ailleurs leurs autres confrères luthériens, surtout ceux de souche germanique. Chez les Catholiques romains de souche magyare et germanique on trouve, à l’inverse, une surreprésentation exceptionnelle à Vienne, capitale d’empire par excellence catholique, alors que leur part dans les autres lieux d’accueil universitaire est beaucoup plus faible. Si l’engouement pour Vienne ne joue pas chez les autres Catholiques romains (surtout Slovaques), c’est peut être parce que les élites slovaques assimilés ou en voie d’assimilation ont été soit concentrées dans la plaine hongroise à proximité de Budapest ou dans la capitale même, soit que leur stratégie d’assimilation les a précisément dirigées vers la métropole nationale où leur représentation relative a été effectivement bien moins faible qu’ailleurs.     

            Il est plus difficile d’interpréter les écarts du tableau 5 opposant les Juifs plus ou moins magyarisés, parce que les étudiants des deux agrégats étaient à l’époque également engagés dans un mouvement de mobilité vers les élites, le patronyme porté ou la langue maternelle déclarée n’étant pas des indices décisifs du statut national ou identitaire dans un agrégat largement bilingue, mais aussi consensuellement acquis à l’idéal de l’Etat nation hongrois. On remarque toutefois que les étudiants Juifs formellement magyarisés se concentrent tout de même beaucoup plus qu’ailleurs à Budapest et à Vienne – respectivement capitale nationale et capitale d’un empire dont le chef passe pour être un grand protecteur des Juifs avec, dans les deux villes, une très forte présence de la bourgeoisie cultivée et de l’intelligentsia juives -, alors que leurs confrères aux associations germaniques sont bien d’avantage regroupés en Allemagne.  

            Chez les Gréco-catholiques, qui résident très majoritairement dans l’Est du pays et en Transylvanie proprement dite, fortement sous-représentés qu’ils étaient dans le public universitaire, on ne remarque que la polarisation en faveur de l’établissement supérieur local à Kolozsvár. Dans cette préférence nette un net refus des pérégrinations extra-régionales plus coûteuses, socialement plus aliénantes et (à l’étranger) posant des défis linguistiques aussi, on peut voir entre autres l’effet de l’option pour des coûts moindres dans un agrégat devant faire face à la violence culturelle de l’Etat dominant (d’autant que beaucoup de ses membres sortent des lycées roumains de Transylvanie), qui ne serait arrivé sans être sponsorisé aux études supérieures[51] et qui, de fait, est issu plus fréquemment que d’autres de la paysannerie et d’autres fractions pauvres de la société.[52] Toutefois on est en droit de percevoir dans la concentration des Uniates (essentiellement roumains ou ukrainiens) à l’Université (hongroise) de Kolozsvár les effets déjà évoqués d’une certaine association (sinon adhésion complète) à la chrétienté occidentale  (ils étaient bien Catholiques) représentée majoritairement en Hongrie par des Hongrois : confessionnellement assimilés (en reconnaissant l’autorité du pape de Rome), les membres uniates des futures élites pouvaient logiquement joindre aux avantages de la moindre distance et du moindre coûts d’une acculturation plus poussée par le biais d’études dans la capitale regardée comme ‘très magyare’ de la Transylvanie. 

            Tout cela ne vaut guère pour les Orthodoxes divisés pour l’essentiel entre Roumains et Serbes. S’ils sont, eux aussi relativement moins sous-représentés à Kolozsvàr qu’ailleurs, leur présence à Vienne ou en Allemagne n’est pas du tout aussi insignifiante que chez leurs frères Gréco-catholiques. Qui plus est leur fraction serbe apparaît comme proprement surreprésentée à Vienne et assez peu sous-représentée en Allemagne, contrairement à la situation des Orthodoxes roumains dont la présence dans les universités étrangères est partout extrêmement faible. D’où la crédibilité de l’hypothèse d’une certaine avance des Serbes sur les Roumains en termes de ‘modernité’ s’exprimant – entre autres - par une mobilisation manifeste passablement massive de leurs élites à la recherche d’études supérieures de qualité à l’étranger. Des recherches plus approfondies pourraient éclaircir d’autres hypothèses aussi sur les conditions socio-historiques de la surreprésentation des Orthodoxes serbes, surtout à Vienne, tels la proximité relative de leurs régions résidentielles (au long du Danube et en Hongrie centre-méridionale), leur préférence de la capitale de l’Empire à Budapest pour des raisons d’affinités politiques (les élites serbes ayant été historiquement hostiles à l’Etat nation hongrois) ou leur ‘embourgeoisement’ – c’est à dire reclassement dans les classes moyennes cultivées - un peu plus avancé. [53] 

            La conclusion générale qu’on peut tirer de l’analyse de la sélection ethnique et confessionnelle des étudiants migrants répond toutefois à une logique somme toute simple. Dans les études à l’étranger les principes de sélection qui prévalent pour les étudiants de l’intérieur se confirme ou s’amplifient. Les groupes les plus fortement représentés dans les universités hongroises – Juifs, Luthériens et ceux de langue ou d’ascendance germanique  – le sont autant ou d’avantage, en fait beaucoup davantage pour les Luthériens et pour les Allemands (qui pouvaient être des Luthériens, des Juifs ou des Catholiques romains aussi). C’est le prolongement d’une tendance historique bien établie au 19e siècle. En effet, la part des Luthériens a été estimée déjà largement majoritaire parmi les étudiants de Hongrie en Allemagne entre 1819 et 1867[54]. De même le contingent des Allemands de souche pouvait être estimé à 46 % à Vienne dans les années 1849-1867 – contingent beaucoup plus important que ceux de souche magyare -[55] et à 33 % pour tout le 19e siècle dans les universités allemandes.[56] Selon mes propres calculs d’après les patronymes des étudiants concernés, pas moins de 72 % des étudiants de Hongrie à l’Université de Vienne étaient d’origine allemande à la veille de la Révolution de 1848 (en 1845-1847) et 69 % dans les années 1848-1850.[57] Ces proportions étaient encore largement dépassées à la Polytechnique de Vienne, fondée en 1816, pour attirer immédiatement un public considérable originaire de Hongrie, qui semble être issu presque exclusivement des milieux juifs et allemands.[58] On notera que dans les universités de Vienne on trouve déjà de similairement hautes proportions d’allemands nominaux à la fin du 18e siècle parmi les étudiants hongrois.[59]

 Les affinités électives fondées sur des motivations nationalitaires dans le choix des lieux d’études peuvent être regardées comme bien établies. Mais le sens de cette surreprésentation germanique parmi des étudiants de Hongrie pose la question beaucoup plus vaste – qu’on ne saurait qu’évoquer ici – de l’inégale modernisation des différents groupes ethniques en lice, ce qu’exprime la présence plus forte des Juifs et des Allemands – apparemment au dépens de tous les autres, notamment des membres de l’élite titulaire, en règle générale - dans les nouvelles classes moyennes cultivées qui se forment à l’époque du déclin et de la diparition de la société féodale.

 

Le recrutement socio-professionnel   

 

            Pour l’essentiel, dans la période considérée, les études à l’étranger ont fait partie en Hongrie des stratégie d’auto-promotion des fractions montantes des nouvelles élites (dont les représentants les plus marquants ont pu être identifiés dans le public juif des universités) ou – pour partie - de la reconversion des anciennes élites (noblesse, vieille couche d’honoratiors associée à la noblesse, bourgeoisie patricienne des villes royales). De ce fait l’étude de l’origine socio-professionnelle des étudiants en pérégrination est un aspect fondamental de toute approche des migrations estudiantines.

 Cette information figure assez régulièrement mais pas toujours dans nos sources mais elle est de qualité souvent médiocre et pose une série de problèmes méthodologiques difficiles dont il faut rappeler ici les plus flagrants. Puisqu’elle provient généralement des déclarations des intéressés, il s’agit  d’une perception spontanée de la place attribuable au père ou au gardien – rarement à la mère – dans la stratification sociale. Parmi les définitions possibles de la catégorie socio-professionnelle – par le métier, par le type d’activité, par le statut hiérarchique éventuel, par l’indépendance ou la dépendance professionnelles, par la nature et l’importance de la fortune, par les revenus, etc. – les intéressés pouvaient arbitrairement choisir, d’où les incertitudes qui planent sur bien des indications à ce sujet. Pour réduire celles-ci, on a opté ici pour une échelle catégorielle simplifiée et enveloppante, mais répondant à la fois à la répartition statistique des clientèles universitaires observées et au souci de rapprocher les indices des positions socio-professionnelles qui apparaissaient comme proches et, partant, associables dans la réalité socio-historique de référence. 

 Idéalement, pour prendre tout son sens dans une perspective d’histoire sociale, il faudrait pouvoir combiner ce système catégoriel en raccourci de la stratification socio-professionnelle avec les indices indirectes mais en Hongrie fondamentaux de la hiérarchie sociale à l’époque de la construction nationale, à savoir la religion et l’ethnicité, sans parler des attaches régionales. Le matériel prosopographique dont on dispose sur les étudiants à l’étranger l’aurait permis, mais sans qu’on puisse opérer un traitement comparatiste de ces résultats en raison du manque de données équivalentes combinées sur ceux qui poursuivent leurs études dans le pays. On a beau avoir réalisé des enquêtes quasi-exhaustives sur les diplômés de l’enseignement supérieur en Hongrie de 1867 à 1919, les matériaux d’archives qu’on a pu exploiter sur les principaux établissements universitaires – ceux de Budapest - ne comportent pas d’informations sur le statut professionnel des ascendants.[60]  Nos comparaisons ici se limitent donc aux données nues des grandes catégories socio-professionnelles. 

           

7.  tableau

L’origine sociale des étudiants de Hongrie dans le pays et à l’étranger autour de 1900

 

 

Hongrie

1905-

1914[61]

Allemagne

1906-

1919[62]

Vienne

1890-

1918[63]

 

Classes populaires (agriculteur,

ouvrier, serviteur, appariteur, etc.)

14,6

6,9

5,3

 

Petite bourgeoisie (artisans,

Commerçants)

20,3

22,2

19,7

 

Fonctionnaire et employé privé

Subalterne et niveau moyen

21,6

12,6

17,8

 

Cadres intellectuels supérieurs[64]

 ?

?

20,7

 

Professions libérales et intellectuelles

(professeur,pasteur, docteur, avocat, etc.)

32,4

32,5

21,2

 

Propriétaire foncier, industriel,

Rentier, commerçant en gros, etc.

11,2

25,8

15,2

 

Total

100,0

100,0

100,0

 

N =

85 141

2327

4842

 

 

Les données du 7. tableau se prètent à une interprétation relativement simple relevant de la logique du cumul des avantages sociaux qui commandent les chances objectives d’accès à l’enseignement supérieur. Les fils des catégories socio-professionnelles les mieux dotées en capitaux économiques, en relations sociales ou/et en atouts intellecuels pour faire des études, parviennent à réaliser leurs projets de formation encore plus à l’étranger que dans le pays. Alors que, en Hongrie même, au tournant du siècle, plus d’un tiers des étudiants proviennent des milieux peu ou pas du tout éduqués, c’est à dire des classes populaires et de la petite bourgeoisie (36 %), les mêmes milieux fournissent seulement un quart environ des étudiants hors les frontières nationales. A l’inverse, la représentation des groupes possédants les plus nantis dépasse peu un dixième de l’ensemble des étudiants en Hongrie, tandis qu’elle atteint globalement un cinquième du total à l’étranger. Entre ces deux extrêmes de l’échelle sociale schématiquement décrite, les fonctionnaires et cadres moyens et inférieurs sont nettement moins bien représentés à l’étranger, tandis que les positions de l’intelligentsia diplômée - avec plus d’un tiers de l’ensemble des étudiants - sont aussi fortes en Hongrie qu’en dehors du pays. On comprend que la clientèle universitaire à l’étranger soit plus bourgeois, plus intellectuel ou plus aristocratique non seulement parce que les études peuvent s’avérer plus coûteuses loin de son milieux résidentiel – ne serait-ce qu’en raison de la difficulté ou de l’impossibilité d’obtenir des soutiens (bourses, exemptions des frais), tout ce que le système national accorde aux ressortissants méritants ou disposant de bonnes relations avec les autorités académiques -, mais aussi parce que seuls les membres les plus nantis des élites maîtrisent les informations sur le marché universitaire leur permettant d’opter pour l’institution professionnellement la plus rentable ou considérée comme ‘le plus convenable’ pour leurs besoins de classe. Il faut prendre également en compte les ‘ambitions’ pour maximiser ses investissements intellectuels, ce qui constituent un capital social en soi, développé à l’aide des atouts sociaux déjà disponibles dans la famille ou dans le cercle d’alliés sous forme de modèles (parents ayant fait les mêmes études), d’exemples de mobilité personnelle par les mêmes voies, de stimulations reçues au moyen de cours particuliers, etc. Tout cela est pratiquement réservé aux classes déjà dotées intellectuellement ou/et socialement.

 

8. Tableau

Le statut socio-professionnel des pères chez les étudiants de Hongrie à Vienne[65] et dans le pays[66] selon la branche d’études vers 1900

 

 

Classes popu-laires

Petite bour-geoisie

Fonction-naire,

cadre

Haute  fonction

publique

et acadé mique

Profession libérale et intellectu-elle

Proprié-

aires, rentiers,

entrepre-

neurs

total

Effectifs

Polytechnique

Budapest

10,1

27,4

27,8

 

26,3

8,3

100,0

10 126

Polytechnique

Vienne

6,1

30,7

18,8

8,6

19,1

16,7

100,0

1 295

Théologies

Hongrie

40,3

17,7

6,5

?

34,2

1,6

100,0

12 627

Fac.Théol.

Cath. Budapest[67]

32,2

26,6

11,3

?

11,5

11,3

100,0

538

Théol.Luther. Vienne

20

25,5

18

-             

33

4

100,0

55

Théol. Cath.

Vienne

22,7

25,2

20,5

-

15,8

15,8

100,0

278

Fac. Et Acad. Droit Hongrie

10,6

19,9

25,7

 

34,0

9,5

100,0

36 093

Faculté droit

Vienne

3,2

21,9

32,1

1,1

22,5

20,0

100,0

564

Fac. Philo. Hongrie

12,3

17,3

28,9

?

36,2

5,3

100,0

10 077

Fac. Philo.

Vienne

2,5

24,4

21,7

0,5

31,7

16,7

100,0

221

Fac.Médecine

Hongrie

7,4

21,3

14,5

?

27,2

29,6

100,0

14 252

Fac.Médecine

Vienne

5,1

32,7

17,8

28,2

0,2

15,7

100,0

510

Pharmacie

Budapest

8,2

16,3

22,4

?

39,8

13,3

100,0

2 028

Pharmacie

Vienne

1,5

36

18

-

38

6

100

66

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Acad. Beaux-

Arts Vienne[68]

4

32

24

-

22

10

100,0

99

Acad. Agricul

ture Vienne[69]

3,1

8,1

24,8

12,4

9,3

42,2

100,0

161

Ac.Ingénieur

Milit. Vienne[70]

5,8

2,3

22,3

43,9

19,8

5,8

100,0

394

Theresianum

Vienne[71]

1,6

4,4

19,1

47,4

17,3

10,2

100,0

1 128

Ac.Consulaire

Vienne[72]

-

3

5

27

34

31

100,0

62

 

Dans le tableau 8 on peut suivre les détails la composition du corps estudiantin hongrois de Vienne selon l’origine sociale par facultés et par établissements universitaires différents, ce qui permet de mesurer avec précision l’extrême diversité mais aussi les rigidités qui marquent les rapports entre lieu de départ et destinées choisies dans l’espace social par les futurs membres de l’élite cultivée.

Le tableau 8 confirme tout d’abord de façon systématique pour toutes les institutions viennoises fréquentées par des étudiants de Hongrie le décalage entre le ‘niveau’ de la sélection sociale dans le pays (en moyenne ‘plus bas’) et à l’étranger (‘plus élevé’). Ce contrast ne connaît que peu d’exceptions et se manifeste le mieux aux extrêmes de l’échelle sociale (si l’on en accepte une représentation schématiquement linéaire). Les ‘classes populaires’ n’ont par exemple qu’une présence statistiquement proprement squelettiques à Vienne dans les principales branches d’études pour lesquelles on a des éléments de comparaison, mais encore davantage dans les établissements viennois qui n’ont pas d’équivalents hongrois ici. L’inverse est tout aussi visible pour la présence des fils des classes possédantes et haut placées dans l’administration de l’Etat. A l’exception de la médecine et de la pharmacie, la représentation des classes dominantes à Vienne est partout un multiple de ce qu’on trouve dans les institutions hongroises correspondantes. On ne saurait s’étonner de constater que les établissements viennois préparant aux fonctions militaires, consulaires et économiques supérieures à Vienne (pour lesquels on n’a pas d’équivalents hongrois dans le tableau 8) réunissent pour l’essentiel les fils des classes cultivées et supérieures pour ce qui est de la grosse majorité des étudiants (jusqu’à 92 % à l’Académie Consulaire, à 75 % à l’Ecole des ingénieurs militaires et 70 % au Thérésianum – sorte d’école de cadets), alors que les mêmes milieux sont très minoritaires dans les études de théologie ou des beaux-arts et ne dépassent pas le tiers des étudiants même dans les Polytechniques. Dans le recrutement de certaines branches d’études on peut d’ailleurs percevoir l’effet directe de l’héritage social des candidats, par exemple dans la clientèle originaire de Hongrie de l’Académie d’agriculture viennoise, dont plus de deux-cinquièmes appartiennent à des familles de propriétaires (surtout terriens), un contingent qu’on ne retrouve nulle dans d’autres études.

La présence des fils de propriétaires terriens conduit aux problèmes particulièrement importants dans le cas hongrois des fils de la noblesse dans les publics estudiantins en question. C’est un problème malheureusement très inégalement documenté, si bien qu’on est en face ici d’un paradoxe. A part les membres de l’aristocratie titrée, aux effectifs minimes par rapport de l’ensemble de la noblesse, les matricules d’inscription des facultés et établissements de haut enseignement hongrois enregistrent à l’époque dualiste très peu de nobles. Or la part de la noblesse fut estimée entre 5 et 6 % de la population pour cette période. Bien que, au regard de la législation, la noblesse ait perdu ses privilèges féodaux selon les lois post-révolutionnaires d’avril 1848, elle n’en a pas moins conservé son poids politique par le maintien de son suffrage dans le nouveau régime électoral censitaire, mais surtout elle a gardé son statut social distingué, ce qui a permis à ses descendants qui perdaient leurs assises économiques terriennes de se reconvertir, après 1867, dans l’administration de l’Etat. Ceux-ci devaient avoir logiquement une grande visibilité dans le public universitaire se préparant à des positions d’élite. Ceci semble s’avèrer encore dans la première moitié du 19e siècle mais pas du tout après 1867. On ne dispose certes pas d’un relevé complet sous ce rapport, mais force est de constater que, par exemple dans les deux académies juridiques de province prosopographiquement documentées, la noblesse fait plutôt bonne figure avec 14 % à Nagyvàrad/Oradea entre 1844 et 1848[73], voire 33 % à Pozsony/Bratislava dans les années 1846-1849[74], alors que dans d’autres académies (dont j’ai fait dépouiller les registres pour la fin du long 19e siècle) la proportion des nobles apparaît comme minime : c’est le cas des Académies juridiques épiscopales (catholiques romaines) d’Eger et de Pécs, ou de l’Académie juridique calviniste de Kecskemét. On ne peut guère expliquer cette absence par le désistement des fils de la noblesse. Il faut penser plutôt aux changement ou à la ‘modernisation’ des usages quant à l’enregistrement officiel des personnes, voire la ‘démocratisation’ des moeurs sous ce rapport, l’omission délibérée des particules pouvant être due soit à l’administration universitaire, soit aux intéressés eux-mêmes. C’est une question qui reste pour le moment ouverte.

 Il n’en est toutefois pas de même à l’étranger où non seulement on trouve nombre de patronymes à particule nobiliaire dans les feuilles d’inscription et d’autres documents universitaires relatifs aux étudiants de Hongrie, mais la distribution des étudiants titrés ou à particule varie très significativement selon les branches d’études. Voici qui autorise une interprétation crédible des options universitaires propres à la noblesse, répondant d’ailleurs à certains stéréotypes véhiculés dans la mémoire collective. Elles font en tous cas un net contraste aux choix d’études des présumés roturiers.[75]  Dans les tableaux 9. on peut remonter à titre exceptionnel sur plusieurs générations d’étudiants de Hongrie dans les établissements viennois pour étudier en parallèle les choix d’études propres à la noblesse et aux roturiers.

 

Tableau 9.

Les proportions des titres nobiliaires[76] chez les étudiants de Hongrie dans les institutions universitaires de Vienne et de Berlin à des dates choisies pendant le long 19e siècle        

 

 

Université

De Vienne

Polytech-nique de

Vienne

Acad. Beaux-Arts de

Vienne

Acad. ingéni-eurs militaires

Vienne

Acad. consu-

Laire Vienne

Export-Acade-mie

Vienne

 

Ecole

d’agri-

cult. Vienne

There-sianum (cadets)

Vienne

Université

Humboldt

de Berlin[77]

% nobles avant 1850[78]

4,3 %

(1841-1850)

4,0 %

(1840-

1850)

1,8 %

(1830-1850)

57,8 %

(1835-1850)

100 %

(1794-1832)

-

?

?

12,1 %

(1840-1850

 Effectifs

773

884

443

161

20

 

?

?

224

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

% nobles 1849-1867[79]

7,1 %

(1863-1867)

5,7 %

(1860-

1867)

3,1 %

(1849-1867°

33,3 %

(1849-1866)

50 %

(1859-1867)

?

?

?

16,4 %

(1860-1867)

Effectifs

1000

370

226

123

4

?

?

?

146

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

% nobles 1890-1918[80]

9,5 %

7,0 %

4,9 %

21,5 %

68,2 %

3,8 %

17,2 %

23,4 %

6,9 %

(1900-1918)

Effectifs

2095

1611

103

414

66

557

215

1186

1569

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1890-1918

 

 

 

 

 

 

 

 

Total Vienne

Répartition

des nobles,

à Vienne[81]

25,3

14,4

0,6

11,3

5,7

2,6

4,7

35,2

100,0

répartition

des roturi-ers,Vienne[82]

34,7

27,4

1,7

6,0

0,4

9,8

3,2

16,6

100,0

 

            On voit dans le tableau 9. que la noblesse hongroise s’est fait assez médiocrement représenter – plutôt sous-représerter - parmi les étudiants à Vienne avant 1850, sauf à l’Ecole des ingénieurs militaires et à l’Académie consulaire – cette dernière restant jusqu’au bout la chasse gardée de l’aristocratie. Bien que la prédilection pour les écoles militaires (auxquelles s’ajoute le Theresianum pour la dernière période observée) se maintienne pour la suite du long 19e siècle , la noblesse occupe avec le temps de plus en plus de place sur les bancs des établissements universitaires ordinaires aussi. Cette hausse est typifié par une surreprésentation notable à l’Université de Vienne, voire de façon plus modeste à la Polytechnique - sinon aux Beaux-arts, où a présence des fils de nobles demeure toujours faible, malgré une augmentation nette par rapport au niveau minime constaté pour le début du siècle. A Berlin en revanche on saisit une évolution contraire. Dans la première moitié du 19e siècle la fréquentation de l’Université Humboldt a été encore rare, son accès plus onéreux et socialement sans doute plus sélectif qu’à Vienne, d’où une proportion de nobles à Berlin autour du triple des chiffres viennois. Cette situation change avec la montée de l’Allemagne parmi les pays d’accueil des étudiants migrants de Hongrie. Au début du 20e siècle on trouve en Allemagne seulement une légère sur-représentation de la noblesse, qui se situe désormais sensiblement au même niveau qu’à Vienne. 

            Dans ces chiffres rien au fond ne porte à la surprise. Il n’est pas difficile en effet d’expliquer la rareté des nobles dans les facultés et écoles supérieures ordinaires à Vienne dans le Vormärz. C’était la fin de l’époque féodale en Hongrie, lorsque la majorité des nobles disposait encore de quelques propriétés terriennes ou/et des charges et des offices comtaux ou régionaux (dont l’attribution revenait à leur statut féodal), au point de les rendre indifférents aux chances de mobilité professionnelle promises par les études. C’était aussi, toutefois, la période de la montée du nationalisme magyar, ce qui a pu détourner bien des candidats potentiels des études à Vienne, capitale d’un empire avec lequel la noblesse libérale préparait la rupture. Il est un peu plus difficile d’interpréter le fait que cette attitude n’évolue pas considérablement à la fin du siècle – concrètement après la loi sur les qualifications de 1883 -, lorsque l’accès aux positions administratives supérieures de l’Etat comme de l’économie privée est de plus en plus lié aux titres scolaires et universitaires. Apparemment la majorité de la noblesse, et cela vaut probablement plus pour ses fractions les moins dotées qu’aux bene possessionati et à l’aristocratie, n’a pas pu prendre le virage à la modernité marquée par la prédominance progressive des principes méritocratiques de la réussite sociale, celle-ci passant de plus en plus par des compétences universitaires certifiées.

            Pareil archaïsme du comportement de la noblesse s’appréhende clairement dans ses choix d’études illustrés également dans les tableaux 9 et 10.

 

10. Tableau

Le choix des branches d’études chew les étudiants nobles et roturiers de Hongrie dans les deux universités de Vienne (1890-1918)[83]

 

 

Fac. Lettres

Sciences

Fac.

Droit

Fac.

Mede-

cine

Fac.

Théol.

Prot.

Fac.

Théol.

Cath.

Ingé-

nieur

Mécan.

Ingé-

nieur

général

Chi-

miste

Archi-

tecte

Ensemble

Effectifs

Nobles

9,5

61,0

8,5

1,0

4,9

5,6

6,9

1,6

1,0

100,0

305

Roturiers

15,8

28,9

35,8

3,6

18,6

13,7

10,1

3,4

3,3

100,0

2.399

 

           



[1] Parmi les travaux publiés portant sur le long 19e siècle voir surtout les suivants : László Szögi, Magyarországi diákok a Habsburg Birodalom egyetemein, /Les étudiants de Hongrie dans les universités de l’Empire des Habsbourgs,) I. 1790-1850, Budapest-Szeged, 1994; József Mihály Kiss, László Szögi, Magyarországi diákok bécsi egyetemeken és fõiskolákon, 1849-1867, /Les étudiants de Hongrie dans les universités et écoles supérieures de Vienne, 1849-1867/, Budapest, Eötvös Lóránd Tudományegyetem Levéltára, 2003; Mészáros Andor, Magyarországi diákok a prágai egyetemeken, 1850-1918, /Les étudiants de Hongrie dans les universités de Prague, 1850-1918/, Budapest, 2001; Patyi Gábor, Magyarországi diákok bécsi egyetemeken és fõiskolákon, 1890-1918, /Les étudiants de Hongrie dans les universités et écoles supérieures de Vienne, 1890-1918/, Budapest, Eötvös Lóránd Tudományegyetem Levéltára, 2004; László Szögi, Ungarländische Studenten an den deutschen Universitäten und Hochschulen, 1789-1919, Budapest, Eötvös Lóránd Tudományegyetem Levéltára, 2001; László Szögi, Magyarországi diákok svájci és hollandiai egyetemeken, 1789-1919, /Les étudiants de Hongrie dans les universités de Suisse et des Pays-Bas, 1789-1919/, Budapest, Eötvös Lóránd Tudományegyetem Levéltára, 2000; Bozzay Sára, Ladányi Sándor, Magyarországi diákok holland egyetemeken, 1595-1918, /Les étudiants de Hongrie dans les universités hollandaises, 1595-1918/, Budapest, Eötvös Lóránd Tudományegyetem Levéltára, 2007; Szlavikovszky Beáta, Magyarországi diákok itáliai egyetemeken, 1526-1918, /Les étudiants de Hongrie dans des universités italiennes, 1526-1918/, Budapest, 2008 (sous presse). Voir aussi l’ensemble des travaux récents publiés par Márta Fata, Gyula Kurucz und Anton Schindling (Hrsg.), Peregrinatio Hungarica. Studenten aus Ungarn an deutschen und österreichischen Hochschulen vom 16. bis zum 20. Jahrhundert, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2006.

[2] Cf. Gàbor Patyi, op.cit., 29.

[3] Faut-il rappeler que la Hongrie libérale fut le seul Etat nation moderne dont l’élite titulaire n’ait représenté qu’une minorité ethnique, de l’ordre de 40-42 % de la population au milieu du 19e siècle, le restant se divisant entre gens de langue allemande, roumaine, slovaque, serbe, croate ou ukrainienne – pour ne citer que les minorités nationales les plus importantes.

[4] Voir sur cette problématique Gustav Otruba, „Die Universitäten in der Hochschulorganisation der Donau-Monarchie. Nationale Erziehungstätten im Vielvölkerreich 1850 bis 1914”, in  Student und Hochschule im 19. Jahrhundert, Studien und Materialien, Wien, 75-155, surtout  97-105.

[5] Un des enjeux politiques majeurs du Compromis de 1867 ne fut autre que le rétablissement de la langue nationale, temporairement suspendue à la faveur de l’allemand sous le régime absolutiste consécutif à l’écrasement de la révolution indépendantiste en aoùt 1849.

[6] L’absence de majorité confessionnelle est une autre particularité historique propre à la Hongrie libérale, mais aussi – différemment toutefois que dans la population globale – à ses élites cultivées. En 1900 l’Eglise Catholique romaine ne réunit que 48,7 %, les Calvinistes 14,4 %, les Orthodoxes 13,1 %, les Uniates (Catholiques de rite grec) 10,9 %, les Luthériens 7,5 %, les Juifs 4,9 % et les Unitariens 0,4 % des fidèles des confessions ’reçues’ (reconnues et soutenues par l’Etat). Les membres des confessions de statut ’toléré’ ou les ’sans confession’ n’ont représenté à cette époque qu’une proportion infime, statistiquement insignifiante de la population hongroise. Rapports statistiques hongrois, nr. 27, 99.   

[7] Gyula Janik, „Magyar honos hallgatók külföldi fõiskolákon”, /Des étudiants ressortissant de Hongrie dans les écoles supérieures étrangères/, Magyar statisztikai szemle, 1926/11, pp. 663-664.

[8] Dans les années 1712-1758 on identifie aux Pays-Bas 884 et dans les années 1759-1795 encore 459 étudiants de Hongrie – presque exclusivement des théologiens calvinistes ou unitariens. Cet intérêt pour les pérégrinations hollandaises s’amenuise largement par la suite. On ne trouvera plus pendant le long 19e siècle entier qu’un total de 145 étudiants de Hongrie aux Pays-Bas (tous théologiens à 3 exception près). Cf. Sára Bozzay, István Ladányi, op. cit. pp. 19-24.  Le même phénomènes devait se dérouler en Allemagne où avan 1819 pas moins de 92 % des Hongrois inscrits étaient des théologiens, une proportion qui cessera de se diminuer pendant le siècle pour s’établir à 14 % seulement dans les trois décennies précédant la I. Guerre Mondiale. Cf. László Szögi,  Ungarländische Studenten…, op. cit. p. 38. 

[9] Etudiants d’université seulement, avec quelques exceptions. Elles touchent aux étudiants de Polytechnique, de théologie et de droit. Pour la Hongrie les élèves de l’Académie des Ingénieurs des Mines et des Forêts à Selmecbánya ont été réunis ici avec ceux de l’Université Polytechnique de Budapest, puisque leurs disciplines étaient le plus souvent au programme des Ecoles (ou Universités) Polytechniques à l’étranger. On a intégré parmi les théologiens tous les élèves des grands séminaires et académies théologiques de Hongrie (au cycle d’études généralement de trois ans), parce que le pays n’avait à cette époque qu’une seule institutition théologique de statut universitaire – la Faculté de Théologie Catholique de l’Université de Budapest -, alors que dans les principaux pays des pérégrinations hongroises la formation théologique s’accomplissait souvent – dans les régions protestantes de façon exclusive – dans des facultés (avec cycle d’études de quatre ans). On a également compté parmi les étudiants de droit en Hongrie les élèves des académies juridiques, puisque ces dernières remplissaient plus ou moins les mêmes fonctions de formation (sauf la préparation et l’octroi du doctorat) que les facultés avec, depuis 1874, le même cycle d’études de quatre ans. Le principal biais possible de ce tableau concerne l’omission des élèves des écoles supérieures professionnelles (surtout l’Académie Vétérinaire de Budapest et l’Académie agronomique de Magyaróvár) dont on n’a pas retrouvé les équivalents dans les sources relatives aux étudiants à l’étranger.

[10] Sources : Annuaires statistiques de la Hongrie. Les études à l’étranger prises en compte dans ces sources concernent celles poursuivies dans les universités de la partie non hongroise de la Monarchie Bicéphale, en Allemagne, en Suisse, aux Pays Bas (théologie protestante uniquement) et (pour la seule année 1913) en France,  - dans ce dernier pays les étudiants de Hongrie n’ayant été comptabilisés, sans doute à cause de leur petit nombre, qu’après 1900. On peut supposer que de petits contingents d’étudiants nés en Hongrie et dispersés dans d’autres universités (en Italie ou en Angleterre notamment) ont dû échapper à cet inventaire officiel. Ce biais, sans doute pas très important, est assorti d’un autre type de sousestimation des effectifs à l’étranger relative aux étudiants non inscrits, qui pouvaient être assidus en tant qu’auditeurs libres à certains cours universitaires, comme aux ’cours publics’ des facultés des lettres françaises ou du Collège de France à Paris.  

 

 

 

[11] Cf. László Szögi, Ungarländische Studenten…, op. cit. p. 39.

[12] Une des rares exceptions à cette règle, hors de France, a été incarnée par la seconde université hongroise à Kolozsvàr/Cluj, fondée en 1872 avec facultés littéraire et scientifique séparées.

[13] Cf. László Szögi, Ungarländische Studenten…, op. cit. p. 39.

[14] Sources : Annuaires statistiques de la Hongrie.

[15] De 1900 à 1913 les étudiants de Hongrie n’ont occupé que 1,8 % des bancs des universités suisses. Cf. Schweizerische Hochschulstatistik, 1890-1935, Bern, 1935.  Pour tous les détails des chiffres sur les pérégrinations à la Belle Epoque et dans l’entre-deux-guerres voir mon Rapport d’enquête dactylographié : Relations inter-universitaires et rapports culturels en Europe (1871-1945), Centre de Sociologie de l’Education et de la Culture (EHESS, CNRS), 54 Bd Raspail, 75006 Paris, pp. 106-218.

[16] Dans les informations sur les étudiants étrangers, citées par nationalités dans les Annuaires statistiques de la France pour l’époque concernée soit que l’Autriche-Hongrie n’est même pas distinguée, soit que ses étudiants n’y représentent que des pourcentages infimes d’étrangers, ne dépassant jamais 3 %, c’est à dire beaucoup moins, en moyenne, que les contingents des petits pays comme la  Bulgarie, l’Egypte, la Grèce, ou la Roumanie.

[17] De 1888 à 1913 la part de toute l’Autriche-Hongrie oscille autour à peine d’1 % de tous les étudiants étrangers en Belgique. Cf. Situation de l’enseignement supérieur, Bruxelles, 1929, passim.

[18] En 1910/11 on ne recense officiellement que 104 étrangers au total dans les universités italiennes (selon le Bolletino ufficiale del Ministero della Istruzione Pubblica, 1912, pp. 2160 sq.) contre, à la même époque, 5200 en France, 4100 en Suisse, 2200 en Belgique ou 3600 en Allemagne. L’Angleterra ne recueillait que peu d’étudiants européens avant les années 1920. Cf. Mon Rapport d’enquête suscité.

[19] D’après László Szögi, Magyarországi diákok svájci és hollandiai egyetemeken, op. cit. passim.

[20] Cf. Mon Rapport d’enquête cité, p. 147 et p. 168.

[21] Ibid. Loc. cit.

[22] Source : Annuaires statistiques de la Hongrie. La base des estimations est constituée des données afférantes des semestres d’hiver de 1881/2, 1899/1900, 1909/10, 1913/14 et du semestre d’été de 1889/90.

[23] France pour 1909/10 et 1913/14, Pay-Bas pour 1913/14 seulement.

[24] Estimation fondée sur les effectifs des universités et académies associées (comme dans le tableau 1) en 1881/2, 1889/90 et 1913/14.

[25] Avec 8,1 % des cours dans les gymnasiums classiques et 10,7 % dans les Realschulen consacrés à l’étude de la langue et des lettres allemandes, celles-ci fut la troisième ou la quatrième matière en importance (après le Latin, le Hongrois et les Mathématiques) pendant les huit ans de scolarité secondaire en Hongrie d’après le plan d’études prescrit depuis 1899. Cf. István Mészáros, Középszintü iskoláink kronológiája és topográfiája, 996-1948, :Chronologie et topographie de nos écoles de niveau secondaire, 996-1948/, Budapest, Akadémiai, 1988, 103.

[26] Calculé à partir de la liste des ’nostrifications’ : Névjegyzéke mindazoknak, akik a m. kir. József mûegyetemen 1873 november havától 1928 évi június hó végéig oklevelet nyertek, /Liste de ceux qui ont obtenu un diplôme à l’Université Polytechnique royale Jozsef depuis le mois de novembre 1873 au mois de juin 1928/, Budapest, 1929, pp.207-214.

[27] Et Etats successeurs : Graz, Prague, Brünn, Lemberg.

[28] On voit en bas du tableau 4 ci-après qu’une majorité qualifiée (quelques 54 %) des étudiants de Hongrie en Allemagne n’a pas pu être identifiée selon le culte.

[29] Voir pour des démonstrations empiriques mes travaux suivants : "Patterns of Apostasy in surviving Hungarian Jewry after 1945", History Department Yearbook, 1993, Central European University, Budapest, 1994, pp. 225-263; "Lawyers and the Rise of Fascism in Hungary. Study of the internal divisions of a 'liberal' Profession in the early 1940s" in Charles McClelland, Stephan Merl, Professions in Modern Eastern Europe, Berlin, Duncker & Humblot, 1996, pp. 60-89. (Giessener Abhandlungen zur Agrar- und Wirtschaftsforschung des Europäischen Ostens, vol. 207.)

[30] Tous étudiants, cf. László Szögi, Ungarländische Studenten an den deutschen Universitäten und Hochschulen, op.cit. p. 44.

[31] Tous étudiants, données d’archives.

[32] Tous étudiants, cf. László Szögi, József Mihály Kiss, Magyarországi diákok bécsi egyetemeken és fõiskolákon, 1849-1867, op. cit. p. 25.

[33] Tous étudiants, cf. Cf. Gábor Patyi, op. cit., p. 33.

[34] Tous étudiants, cf. Andor Mészáros, op.cit. p. 53.

[35] Diplômés, données d’archives de l’Université de Budapest. La date de 1870 n’est qu’indicative, parce qu’on n’a fait l’enquête que sur les matricules de diplômés en langue hongroise  qui apparaissent à des dates variables selon les facultés et les diplômes entre 1867-1875.

[36] Cf.  Annuaire statistique de la Hongrie, 1902, 19.

[37] Elèves d’ingénieurs mécaniciens seulement. Données d’enquête dans les matricules d’inscription.

[38] Effectifs à l’exclusion de ceux dont la confession est inconnue ou (exceptionnellement) autre. Ils représentent des proportions variables selon les lieux et les types d’établissement dans l’ensemble des étudiants ou diplômés. Ces inconnus sont peu nombreux en Autriche et en Hongrie, mais majoritaires en Allemagne, où la plupart des établissements prussiens (sauf les écoles polytechniques) ont manqué de signaler le culte de leurs étudiants.

[39] Cf. Lajos Láng, József Jekelfalussy, Magyarország népességi statisztikája, /La statistique de la population hongroise/, Budapest, 1881, pp. 180-181.

[40] Selon le recensement de 1880 18,2 % des Catholiques romains se déclaraient être de langue maternelle allemande et 28,6 % de langue slovaque et autre, les Magyars représentant une majorité de 53,2 %. Cf. Kàroly Keleti, Magyarorszàg nemzetiségei, /Les nationalités de Hongrie/, Budapest, 1882, p. 22.

[41] Soit 47,2 % de Magyars par la première langue parlée, selon le recensement de 1880, un chiffre qui renferme déjà 2,6 % de Juifs magyarisés. Ibid., loc. cit.

[42] En 1900 quelques 77 % des Gréco-catholiques et 92 % des Gréco-orthodoxes demeuraient dans les trois régions de l’Est – Transylvanie, rive gauche de la Tisza et entre Tisza et Mures – les plus proches de Kolozsvár. Cf. Publications statistiques de la Hongrie, nr. 27, p. 86-87.

[43] Au recensement de 1880 pas moins de 97,6 % des Calvinistes et des Unitariens ont déclaré le magyar comme langue maternelle. (Cf. Lajos Láng, József Jekelfalussy, op.cit. 180-181.)  Ils devaient constituer d’ailleurs les agrégats confessionnels hongrois les plus unilingues, puisque 89,6 % des Calvinistes et 82,3 % des Unitariens ne savaient que le magyar, contre des proportions beaucoup plus faibles des fidèles d’autres cultes et une moyenne de 43,3 % seulement dans l’ensemble de la population, selon le recensement de 1900, lorsque cette question a été posée.  (Cf. Publications statistiques de la Hongrie, nr. 27, p. 139.)

[44] Etudiants de tous établissements universitaires. L’ethnicité est définie par le caractère national des patronymes. Source : László Szögi, Ungarländische Studenten an den deutschen Universitäten und Hochschulen, op. cit.

[45] Etudiants de tous établissements universitaires. L’ethnicité est définie par la langue maternelle déclarée. Source : Gábor Patyi, op. cit.

[46] Données d’enquête dans les archives universitaires de Cluj sur tous les étudiants inscrits.

[47] Données d’enquêtes dans les archives universitaires de Budapest sur les seuls diplômés des facultés de Médecine et de Droit. Les deux autres facultés de Budapest ont été laissées de côté dans cet inventaire parce que l’indication du culte manque dans les diplômes de professorat délivrés par la Faculté Philosophique et la prise en compte de la Faculté de Théologie catholique aurait biaisé la composition confessionnelle de l’ensemble.

[48] Ethnicité estimée d’après la langue maternelle déclarée avant la période de la grande poussée assimilationniste du 19e siècle finissant. Données agrégées sur la Hongrie sans la Croatie, ne pouvant prendre en compte que les langues principales déclarées par les fidèles des différentes communautés de culte au recensement de 1880. Cf. Károly Keleti, loc. cit. Estimations corrigées à partir des données in Lajos Láng, József Jekelfalussy, loc. cit.

[49] Y compris les Yiddischisants, comptés dans les recensements avec les Allemands.

[50] En 1880 la quasi-totalité - 98,7 % - des Unitariens demeuraient en Transylvanie, mais seulement 14,6 % de tous les Calvinistes du pays. Cf. Publications statistiques de la Hongrie, nr. 27, pp. 86-87.

[51] Cf. V. Karady, L. Nastasa, The University of Kolozsvár/Cluj/Cluj and the Students of the Medical Faculty (1872-1918), Cluj, Ethnocultural Diversity Resource Center, Budapest-New York, Central European University Press, 2004, p. 145-148.

[52] Ibid. pp. 125-134.

[53] Ainsi, lorsqu’on fait abstraction du personnel des églises et des instituteurs, les proportions de la véritable intelligentsia, à savoir des membres de la fonction publique supérieure et des professions libérales et intellectuelles se sont établies en 1910 à 0,22 % des hommes chez les Roumain, mais à 0,56 % chez les Serbes. Estimations calculées selon les Publications statistiques hongroises nr. 64, p. 117 et ibid. nr. 56, pp. 647-649.

[54] Selon László Szögi, Ungarländische Studenten…, op. cit. p. 44 la proportion des Luthériens à Vienne s’établissait à 64 % pendant cette période. Cette estimation souffre toutefois des proportions élevées de ceux dont la confession est inconnue. 

[55] Cf. László Szögi, „A külföldi magyar egyetemjárás a kezdetektõl a kiegyezésig” /Les pérégrinations des Hongrois depuis les débuts jusqu’au Compromis/, Educatio (Budapest), 2005/2, pp. 244-266, surtout p. 264.

[56] Cf. László Szögi, Ungarländische Studenten…, op. cit. pp. 55-56.

[57] Calculés selon László Szögi, Magyarországi diákok a Habsburg birodalom egyetemein, 1790-1850, op.cit., pp. 140-149.

[58] Parmi les étudiants de Hongrie à la Polytechnique de Vienne la proportion des Magyars de nom atteint au début (entre 1826 et 1836) à peine 8 %. Entre 1845 et 1850 elle s’établit encore seulement à 10,2 %. Cf. Ibid. pp. 152-163 et 178-191.

[59] Soit 72 % contre 17 % autres allogènes et seulement 10 % Magyars nominaux inscrits entre 1790 à 1800 à l’Université de Vienne. Cf. Ibid. pp. 57-65.

[60] Les enquêtes de grosse envergure – portant sur quelques 200 000 cas - que j’ai conduites en collaboration avec Peter Tibor Nagy, directeur de recherche à l’Office National Hongrois des Recherches sur l’Education (Budapest), ont permis de recenser par des moyens informatiques la prosopographie de pratiquement tous les diplômés et la grosse majorité des étudiants inscrits des trois universités (Budapest, Kolozsvár et Polytechnique) ainsi que de la plupart des académies juridiques, (plus sélectivement) des académies professionnelles (d’agriculture, de commerce, d’art, de musique), y compris l’Académie des ingénieurs des mines et des forêts (Bergschule) à Selmecbánya, le Collège Eötvös de formation de professeurs et l’école de guerre Ludovika Akadémia.  L’enquête s’est étendue également sur plupart des académies théologiques protestantes, sur l’Ecole Rabbinique (conservatrice) de Budapest et sur quelques grands séminaires épiscopaux catholiques. Les résultats préalables peuvent être consultés online : www.wesley.extra.hu. Les bornes historiques de l’enquête ont été 1867 et 1948. La profession du père n’est pas indiquée, malheureusement, dans les registres de diplômés ou dans les protocoles d’examens des étudiants des facultés de Budapest – principales institutions universitaires du pays. On n’a en effet pas pu dépouiller d’autres sources utiles à ce sujet pour l’Université de Budapest, notamment les matricules d’inscription - qui avaient brûlé dans l’incendie des archives nationales pendant la Révolution d’Octobre de 1956. La profession du père fait défaut dans les matricules de la Polytechnique aussi. Nous en avons toutefois un bon inventaire pour l’Université de Kolozsvár et pour les académies et autres écoles supérieures.

[61] Forrás : Magyar statisztikai évkönyvek.

[62] Forrás : László Szögi, Ungarländische Studenten…, op. cit. (kódolt eredmények).

[63] Forrás : Gábor Patyi, id. mû, (kódolt eredmények).

[64] Cette catégorie « supérieure » de la fonction publique (y compris les universitaires) n’a pas été distinguée dans les sources hongroises et dans le codage des étudiants en Allemagne. Dans ces cas elle est intégrée dans la catégorie générale des fonctionnires et des cadres (dans la rubrique précédente).

[65] Source : codage des données dans Gábor Patyi, op. cit. passim.

[66] Source : Annuaires statistiques de la Hongrie, 1905-1918.

[67] Source : Klára Berzeviczy, A magyar katolikus klérus elitjének képzése, 1855-1918. A Hittudományi Kar hallgatói, /La formation de l’élite de la hiérarchie catholique romaine de Hongrie, 1855-1918. Les étudiants de la Faculté Théologique/, Budapest, Eötvös Loránd Tudományegyetem Levéltára, 2000, p. 29.

[68] Akademie des Bildenden Künste,  vieille institution dont les statuts ont été reformulés depuis 1872.

[69] Hochschule für Bodencultur, fondée en 1872, après la transformation en institution hongroise de l’établissement royal ancien de Magyaróvár à la même fonction, jadis desservant toute la Monarchie.

[70] Technische Militär-Akademie, vieille institution destinée à la formation des officiers supérieurs de l’armée commune de la Monarchie, complètement réformée en 1875.

[71] Theresianische Militär-Akademie à Wiener Neustadt, appellation donnée depuis 1894 à une ancienne institution de formation des officiers de l’armée commune à la Monarchie.

[72] Institution fondée en 1754 comme Orientalische Akademie pour l’éducation des spécialistes des relations diplomatiques et commerciales avec l’Europe Orientale et le Proche Orient. Elle fut réformée et renommée en Konsular-Akadémie en 1898 pour la formation des diplomates de la Monarchie.

[73] Cf. Julia Varga, A nagyváradi jogakadémia (1780-1848) és a püspöki szeminárium (1741-1848) hallgatósága, / Les élèves de l’Académie juridique de Nagyvàrad (1780-1848) et du grand séminaires épiscopal (1741-1848)/, Budapest, 2006, pp. 200-222.

[74] Cf. Veronika M. Novàk, A pozsonyi jogakadémia hallgatosàga 1777-1849, /Les élèves de l’Académie juridique de Pozsony/, Budapest, 2007, pp.459-476.

[75] Ce genre d’indication doit être regardé comme une approximation dont il serait difficile de mesurer la précision. On est en effet en droit de supposer que certains des étudiants nobles ne se prévalent pas de leurs titres soit pas par inadvertance, soit délibérément – afin notamment de refuser une distinction mondaine dont le principe est étranger aux valeurs universitaires méritocratiques. Les fonctionnaires préposés aux inscriptions peuvent agir dfaçons semblables pour les mêmes motifs. Mais d’autres étudiants roturiers peuvent tout aussi bien agir à l’opposée et s’inventer de faux titres nobiliaires, profitant des chances réelles d’impunité à l’étranger, étant donné les risques minimes de se faire démasquer hors de leur milieu social d’interconnaissance.

[76] Il s’agit de tous ceux dont le nom est pourvu d’un titre aristocratique (’Herzog’, ’Graf’, ’Baron’), d’une particule (’von’ ou ’de’) ou d’une autre distinction nobiliaire (’Freiherr’, ’Edelmann’, ’nobilis’).

[77] Source: László Szögi, Ungarländische Studenten…, op. cit. 74-192, passim.

[78] Source  pour les établissements de Vienne :  László Szögi, Magyarországi diákok a Habsburg birodalom egyetemein, 1790-1850, op. cit., passim.

[79] Source pour les établissements de Vienne : László Szögi, József Mihály Kiss, Magyarországi diàkok bécsi egyetemeken és fõiskolákon 1849-1867, op. cit. passim.

[80] Source pour les établissements de Vienne : Patyi Gábor, op. cit., passim.

[81] Calculée sur un effectif global de 786.

[82] Calculée sur un effectif global de 5461.

[83] Source : Gábor Patyi, op.cit.