Remarques sur le recrutement ethnique et confessionnel des étudiants en Hongrie à l’époque de la Monarchie Bicéphale multi-culturelle (1867-1918)
Voici un aperçu des premiers résultats de la grosse enquête prosopographique en principe exhaustive que nous avons entreprise il y a deux ans avec Peter-Tibor Nagy sur les publics de l’enseignement post-secondaire en Hongrie depuis le début de la construction de l’Etat nation avec le Compromis Austro-hongrois de 1867 et la fin de l’Ancien Régime en 1948 (marquée entre autres par la nationalisation des établissements scolaires et par la réforme communiste du régime universitaire).
Dans cette note on ne traitera que des deux universités classiques, faute de résultats définitifs sur les autres établissements d’enseignement supérieur.[1] Autre restriction, on se référera à la seule ’époque dualiste’, lorsque l’Etat garda encore ses frontières historiques, occupant tout le Bassin des Carpathes, et la société ’hongroise’ resta l’unique formation étatique à la fois multi-ethnique et multi-confessionnelle de l’Europe moderne : dans le Tableau 4 ci-après (dernière colonne) on voit que, avant la fin du 19e siècle, la majorité de la population n’était pas de langue magyare et que, malgré l’importance du catholicisme romain, il n’y avait pas de majorité religieuse non plus dans le pays. La problématique de cette note – l’interrogation portée sur le recrutement ethnique et confessionnel de l’élite cultivée - est justement liée à cette situation à tous points exceptionnelle, outre le fait que sur les autres variables de la sélection sociale nos recherches sont encore incomplètes,[2] bien que très prometteuses, à terme.[3]
On se contentera ici de recourir aux seules variable de l’ethnicité et de la religion dans l’étude du recrutement social, puisqu’il n’est pas possible de mobiliser d’autres variables fondamentales pour cette époque, comme la CSP ou le lycée d’origine. Cette dernière devait son importance au fait que le réseau secondaire restait tout au long de l’ancien régime éclaté entre établissements ecclésiastiques (surtout catholiques, calvinistes et luthériens) et publics ou laics (surtout étatiques et parfois municipaux ou privés) qui, par leur nature même, ont largement prédéterminé les choix universitaires et le destin professionnel de leurs élèves. Dans les tableaux ci-joint j’ai opéré un groupement raisonné des catégories religieuses et ethniques pour distinguer celles qui pèsent le plus dans la formation des élites. Si les confessions ’reçues’ (soutenues par l’Etat) ont été toutes retenues dans ce classement, la multiplicité des groupes ethniques a été réduite à trois catégories – hongrois, allemand et autres. Les intitulés des catégories dintinguées comprennent une indication sommaire des principaux groupes réels en jeu.
Les inégalités globales d’accès aux études
Pour une appréciation des principales inégalités dans le recrutement des étudiants il faut commencer par la vue d’ensemble - approchée - de tout le marché universitaire, telle qu’elle est offerte dans le tableau 5. Si l’ethnicité n’y est pas impliquée, c’est que les données combinées ethnicité/confession ne sont pas encore disponible pour les principaux pays étrangers où de larges contingents d’étudiants originaires de Hongrie ont étudié pendant la période dualiste. Les études a l’étranger, surtout a Vienne jusqu’à la fin du 19e siécle, de plus en plus souvent en Allemagne avant dans les années d’avant la Grande Guerre, ont servi soit d’échappatoire ou de substitution aux études dans le pays (notamment pour les éléments des minorités ethniques hostiles à l’assimilation hongroise), soit de complément à titre de spécialisation, soit encore de ressource purement symbolique pour parachever l’image élitiste des membres des classes cultivées. Parmi les autres pays étrangers entrant en ligne de compte ici seule l’Italie (pour les études artistiques) et la Suisse (surtout par l’Ecole Polytechnique de Zurich) aurait pu légèrement modifié les contours de ce marché, la France et la Belgique intervenant encore moins, d’autant plus que l’organisation de l’Université post-napoléonienne restait en dehors du régime d’équivalences semestrielles en place entre les universités de l’Europe Centrale, suivant le modèle pussien.[4]
En comparant la dernière colonne du tableau 5 (indiquant la distribution de la population selon la confession) avec les autres colonnes du tableaux, quatre positions distinctives se font apparaïtre, liées à d’autant de rapports d’inègalités différents.
Il y d’abord la situation exceptionnelle des Juifs répondant au phénomène maintes fois décrit d’une sur-scolarisation caractérisée, propre en particulier à la phase historique qui suit l’émanipation juive et le début de la modernisation post-féodale. La sur-représentation des Juifs parmi les étudiants représente dans l’ensemble du marché universitaire un multiple (de trois fois – à Kolozsvàr -, jusqu’à sept fois – à Budapest) la proportion des Juifs dans la population. A Kolozsvàr même ce score moins élevé qu’ailleurs n’est peut-être qu’apparent. Si l’on rapport la part des étudiants juifs (14 %) à la faible présence du groupe parent dans le peuplement de la Transylvanie (à peine 2,1 % vers 1900[5]), on retrouve un degré comparable de sur-représentation qu’ailleurs, en particulier à Budapest. On observe que la surreprésentation juive demeure partout à l’étranger en deçà de son maximum, qui est atteint dans la capitale hongroise, ce qui répond pleinement à la dominance d’une stratégie assimilationniste dans les trajectoires des étudiants juifs. Budapest étant le principal foyer de la ’nationalisation’ linguistique, politique et identitaire des agrégats juifs modernisés, on comprend que ce soit l’Université de Budapest qui réunit ceux-ci dans une proportion maximale.
Puis il faut relever la sur-représentation certes de moindre d’ampleur mais tout aussi systématique des Luthériens parmi les étudiants, surtout à l’étranger, où elle est bien plus décisive que dans les universités hongroises. Cette dualité des situations ressortit, on le sait, d’au moins trois logiques. Premièrement il y a la surscolarisation luthérienne qu’on identifie dans tous les indicateurs scolaires à tous niveaux et qui est redevable à des analyses classiques en rapport notamment avec la stratification socio-professionnelle, avec les investissements scolaires ainsi qu’avec le soutien idéologique ecclésiastique propre au groupe. En second lieu il faut rapporter la trés forte présence d’étudiants luthériens à l’étranger au refus de l’assimilation opposé à la construction nationale magyare par une bonne part des élites luthériennes, majoritairement de souche autre que hongroise (allemande ou slovaque). Ce refus pouvait s’accompagner d’une adhésion voire d’une identification à la civilisation germanique incarnée par les universités de la Prusse (à majorité luthérienne), ce dont la surreprésentation exceptionnellement élevée des étudiants luthériens de Hongrie en Allemagne (à concurrence de plus d’un tiers de l’ensemble des étudiants concernés) porte témoignage. Enfin, une analyse plus détaillée montrerait que le recours à l’étranger concerne plus souvent que dans d’autres groupes des théologiens, aspirant à une formation universitaire inaccessible en Hongrie même : dans le pays il n’y avaient que des académies théologiques de petite taille avec cycle d’études de trois ans, alors qu’à l’étranger (en particulier en Prusse) les facultés luthériennes menaient leurs recrues jusqu’au titre socialement prestigieux de docteur à la suite de huit semestres d’études, figurant la porte d’entrée dans la Bildungsbürgertum.
En troisième lieu on remarque la représentation moyennement faible des Catholiques romains (sauf à Prague) et des Calvinistes (sauf à Kolozsvàr). Ces deux groupes confessionnels à majorité (les Catholiques) ou à leur quasi-totalité (les Calvinistes) de souche magyare accèdent donc médiocrement au marché universitaire, ce qui ne manque pas de constituer un des grands paradoxes de la formation des élites modernes dans le pays. Les groupes d’attaches allogènes sont beaucoup plus fortement présents dans les élites cultivées montantes que les magyars de souche qui pourtant fournissent toujours, à l’époque dualiste, l’essentiel de l’ancienne noblesse et de l’aristocratie politiquement dominantes.
Enfin, le dernier constat touche à la sous-représentation radicale des étudiants appartenant aux deux confessions chrétiennes de rite grec qui, en Hongrie, ressortissent presque entièrement des populations roumaines ou slaves (Serbes ou Ukrainiens). Ce sous-classement peut s’analyser à la fois en termes de stratification (embourgeoisement, urbanisation et modernisation retardées), d’état minoritaire (nationalisme propre, refus d’assimilation - notamment scolaire) et de médiocrité des investissements éducatifs.
Les autres tableaux permettent de nuancer cette description des inégalités culturelles avec l’introduction des critères de l’ethnicité et du choix de la branche d’études dans les deux universités classiques du pays. Le contraste entre les deux établissements n’est certes que partiel sous ce rapport, il n’en reste pas moins marquant. Il est lui aussi redevable d’analyses – qu’il est impossible d’approfondir ici – relevant pour l’essentiel du statut intellectuel différent quoique dans le temps évolutif des deux établissements dans le marché du haut enseignement (Budapest conservant toutefois une supériorité de fait[6]) et des différences socio-culturelles et socio-professionnelles des publics estudiantins qui, à leur tour, étaient liées à l’urbanisation et à la distribution territoriale différentielles des clientèles universitaires potentielles.
Prenant pour point de départ les inégalités d’accès globales à l’enseignement supérieur, il faut partir de la comparaison de la distribution marginale des étudiants dans le tableaux 4 relatif à l’Université de Budapest, où ont été réunies sur estimations raisonnées les données sur la distribution ethnique et confessionnelle des étudiants et de la population. Pareil redressement des données fondé sur la répartition proportionnelle des ’confession inconnue’ pose des problèmes techniques insolubles, ce qui m’a découragé de tenter la même opération sur Kolozsvàr. Etant données les incertitudes qui entourent les chiffres estimatifs sur les étudiants du tableau 4 (avant-dernière colonne), il faut retenir de la comparaison avec la distribution de la population les seuls écarts les plus importants et le sens des variations constatées.
On retrouve ici encore à l’évidence l’ampleur de la surreprésentation des Juifs et, sur un registre négatif mais d’ampleur tout aussi manifeste, la sousreprésentation des fidèles ethniquement presque entièrement allogènes des églises de rite grec.
Quant à la première on remarque le pourcentage élevé des Juifs nominativement magyarisés – plus d’un tiers de l’ensemble des étudiants juifs. C’est l’époque, certes, du grand mouvement de magyarisation des noms de famille allogènes dans lequel, mes enquêtes l’ont clairement montré, les Juifs ont joué une part prépondérante (à concurrence de quelques 60 % des magyarisés entre 1874 et 1918). On a ici la démonstration que ce mouvement a mobilisé avant tout les futurs membres juifs des élites cultivées ou leurs familles.
Pour ce qui est du sousclassement des Gréco-Catholiques et des Orthodoxes, il est relativement moindre pour les premiers. On peut penser que la meilleure mobilisation universitaire des Uniates devait beaucoup à leur association cultuelle avec le catholicisme romain (à dominante magyare dans le pays), ce qui leur ouvrait entre autres les portes du large réseau des lycées catholiques conduisant à l’enseignement supérieur.
La faible représentation des Calvinistes à Budapest paraît être également clairement établie. Elle devait être au moins pour partie compensée par la surreprésentation notable du groupe à Kolozsvàr.
Le cas des Catholiques romains est plus ambigu. Ils semblent en effet surreprésentés à l’Université de Budapest lorsqu’ils appartiennent aux communautés germaniques (’Souabes’) mais sousreprésentés à peu près autant pour le reste, notamment chez les Hongrois de souche. A Kolozsvà les Catholiques hongrois l’emportent plus largement sur les Catholiques d’autres attaches ou origine culturelles.
La position des Luthériens semble encore plus complexe selon les marges du tableau 4 s’établissant presque à l’inverse des Calvinistes. Confession elle-même multi-ethnique (avec une grosse majorité d’allogènes slovaques et allemands en son sein), les chiffres de Budapest indiquent une nette surreprésentation des Luthériens hongrois et allemands et une sousreprésentation aussi manifeste des autres Luthériens (surtout Slovaques). Si à Kolozsvàr cependant les Luthériens allemands l’emportent largement sur les autres, c’est sans doute à cause de la présence massive et continue des adhérants de l’ancienne Universitas Saxorum, cadre institutionnel d’une autonomie historique des Saxons luthériens désormais aboli mais qui continue – par le biais de l’Eglise luthérienne – à gérer un réseau dense d’établissements scolaires et associatifs propres, capables de servir de base de promotion à l’élite cultivée de Luthériens de langue allemande. Cela dit, même cette surreprésentation apparente des Luthériens de souche allemande à Kolozsvàr semble problématique, lorsqu’on sait que la part des Luthériens dans la population de Transylvanie (9,3 % en 1890[7], 9 % en 1900[8] – presque entièrement de langue allemande[9]) dépasse la part du groupe parmi les étudiants. Connaissant, d’après le Tableau 5, leurs proportions élevées dans les péregrinations estudiantines à l’étranger, on peut conclure sur une réelle avancée de la production de diplômés chez les Luthériens, comparée à la participation universitaire des autres agrégats chrétiens. Toutefois cette avancée était plus prononcée à l’étranger que dans le pays même, exprimant sans doute une stratégie de dissimilation universitaire chez beaucoup Luthériens de souche allemande, notamment chez les Saxons de Transylvanie.
De la petite communauté unitarienne, aux effectifs concentrés en Transylvanie, on peut dire qu’elle fait apparaître une certaine surreprésentation globale parmi les étudiants, mais celle-ci se limite à l’Université de Kolozsvàr et ne s’appréhende nulle part ailleurs. Il s’agit donc d’un phénomène purement régional exprimant même un certain ’patriotisme régionaliste’ puisque la promotion de l’élite cultivée unitarienne passe presque exclusivement par le seul établissement transylvanien.
Le choix conditionnel des branches d’études
On est sur un terrain méthodologique plus sûre dans l’analyse des options à l’intérieur du régime d’études, une fois l’accès à l’université est acquis, parce que les comparaisons entre catégories confessionnelles et ethniques sont directement intreprétables en tant qu’effets des stratégies, des attentes ou des chances professionnelles propres aux groupes en lice. Dans les deux tableaux consacrés respectivement aux universités de Budapest (tableaux 3 et 4) et de Kolozsvàr (tableaux 1 et 2) on retrouve les mêmes éléments d’interprétation mais différemment présentés. Le tableau 1 sur Kolozsvàr et 3 sur Budapest se lisent en ligne, offrant une comparaison entre la distribution marginale des étudiants par catégories (dernière colonne) et celle qu’on trouve dans chacune des facultés ou branches d’études. Les tableaux 2 sur Kolozsvàr et le tableau 4 sur Budapest se lisent en colonnes, chaque proportions figurant la part du choix relatif à la faculté ou branche d’études en question dans les différents publics ethniques et confessionnels des établissements et les comparaisons utiles se font avec les moyennes de chaque branche en bas de colonne.
Cette analyse est délicate, entre autres parce que les deux universités offrent des profils passablement divergents en termes d’investissement des facultés. A Kolozsvàr une nette majorité des étudiants (58 %) optent pour le Droit, alors qu’à Budapest c’est le cas d’une minorité, certes large (47 %) seulement. A Kolozsvàr la médecine ne recueille que la portion congrue des choix (14 %), alors que dans la capitale plus d’un tiers des étudiants (36 %) poursuivent des études paramédicales. Ce sont les lettres et les sciences qui ont des poids à peu près comparables dans les dex universités.
A Kolozsvàr les Catholiques romains – en particulier les allogènes - sont marqués par leur forte présence dans la Faculté des sciences surtout, et un peu moins en Faculté des lettres, alors qu’ils sont médiocrement représentés dans les autres disciplines par rapport à la moyenne (tableaux 1 et 2.) . A Budapest en revanche ils sont tout autant sousreprésentés dans la Faculté Philosophique. Partout leur présence est très faible en médecine – sauf pour ce qui est des Catholiques de souche allemande qui y figurent dans leur moyenne. Ils sont pourtant nettement surreprésentés en pharmacie, commerce ’noble’, demandant des études seulement courtes (deux ans à l’époque) et conduisant au statut social de notables locaux. Leur part est la plus forte en science de l’Etat (sciences politiques) à Budapest, équivalente à plus des trois cinquèmes des étudiants de cette discipline (cf. Tableau 3) conduisant pour l’essentiel aux postes de la fonction publique. La même surreprésentation vaut pour le droit aussi mais à un degré moindre, sauf pour les Catholiques romains de souche magyare. Une certaine dichotomie – pas très nette - peut donc s’observer ici, les Hongrois portant leurs choix plus ou moins massivement sur les disciplines les plus classiques, le droit et les sciences politiques, grâce auxquelles se reproduisent les classes politiquement dirigeantes, les allogènes partagent un peu moins cette stratégie pour s’intéresser davantage aux sciences et à la médecine, voies professionnelles moins nobles sinon étrangères à l’habitus de la noblesse.
Chez les Calvinistes (ethniquement à dominante hongroise) on retrouve la même opposition entre Kolozsvàr – où ils sont très surreprésentés dans les études des sciences et aussi, bien que moins, en lettres – et Budapest, où leur présence est proprement minime dans la Faculté Philosophique. En Droit et en Sciences politiques ils sont presque autant surreprésentés que les Catholiques romains à Budapest. La différence principale entre les deux confessions à dominante hongroise réside dans l’option relativement plus fréquente de la médecine chez les Calvinistes, ce que renforce leur présence relativement encore plus fréquente parmi les pharmaciens et les officiers de santé (médecins de rang moindre et de formation plus courte).
Les choix des Luthériens semblent encore plus nettement profilés. Sauf pour les Hongrois de souche à Budapest, ils sont systématiquement sous-représentés dans les études juridiques et politiques, alors que leur présence en médecine et dans les études paramédicales est moyenne ou supérieure à la moyenne. Toutefois, s’ils sont surreprésentés en lettres et en sciences à Kolozsvàr, à la Faculté philosophique de Budapest, peu nombreux qu’ils sont, ils font figure de parents pauvres. Là encore les Allemands se distinguent par leur présence nettement plus forte que des autres groupes ethniques luthériens parmi les étudiants engagés dans les études médicales et paramédicales. Selon les estimations du tableau 4, à Budapest les étudiants luthériens-allemands sont plus nombreux en médecine et en pharmacie (41 %) que dans la Faculté de Droit et des Sciences Politiques (36 %), une situation exceptionnelle qui ne se retrouve que chez les Gréco-Orthodoxes.
Les structures du choix ne s’écartent pas beaucoup entre les deux agrégats de rite grec. Les Uniates (Gréco-Catholiques) et les Orthodoxes partagent un sousclassement très net en Lettres et Sciences, de même qu’une représentation autour de la moyenne - tantôt au-dessus, tantôt en dessous d’elle - en droit et en sciences politiques. Mais les deux groupes sont relativement et remarquablement surreprésentés en médecine à Kolozsvàr et – quant aux Orthodoxes – même à Budapest. Dans ce régime d’options on ne saurait faire abstraction du statut ’d’allogènes dominés’ des étudiants de rite grec, presque tous de souche roumaine ou slave, dépourvus de noblesse propre, aux élites cultivées et aux classes moyennes faibles et à majorité ecclésiastique. Qui plus est, ils accédent aux études supérieures laïques le plus souvent uniquement grâce à une promotion ’sponsorisée’ que proposent des fondations ethnocentrées voire nationalistes, distributrices de bourses. Or il se peut bien que ces fondations aient pratiqué un soutien sélectif pour renforcer les professions libérales modernes à capitaux intellectuels élevés (juristes, médecins, pharmaciens, vétérinaires, ingénieurs), pour faire contrepoids à l’intelligentsia liée aux Eglises (prêtres, professeurs, instituteurs).[10]
Faces aux étudiants chrétiens, les Juifs se placent ici encore à part pour ce qui est du choix préférentiel de leurs études. Si celui-ci fait contraste avec les options des Chrétiens, il y a également contraste entre la structure des options des Juifs nominativement magyarisés et celle des autres.
Le fait général réside dans les options préférentielles pour le droit et – encore davantage, en termes relatifs – pour la médecine, tandis que Lettres et sciences n’apparaissent que marginalement (à Kolozsvàr, selon le tableau 2) ou beaucoup plus faiblement que chez la plupart des Chrétiens (à Budapest, selon le tableau 4) dans l’horizon des options des étudiants juifs. Si dans leur groupe la surreprésentation des études juridiques est partout manifeste, l’option ’sciences de l’Etat’ restait tout-à-fait exceptionnelle. L’objectif des études juridiques pour les Juifs est clairement le barreau, ce qui se comprend par le fait que la fonction publique et surtout les carrières politiques – sans être fermées aux candidats juifs (d’intéressants exemples contraires en témoignent) – ne leur étaient accessibles même à cette époque dite ’libérale’ qu’à compte-gouttes et généralement au prix d’investissements et d’efforts ’compensatoires’ considérables. La logique de l’option pour la médecine (sinon pour la pharmacie) est identique, s’agissant d’une discipline conduisant à la profession libérale la plus ouverte, au sens où le diplôme universitaire servait de droit d’entrée sur le marché professionnel. De plus les étudiants concernés pouvaient ici se référer à une option traditionnelle historique, puisque les faculté de médecine furent les premières à s’ouvrir aux Juifs (dans la Monarchie Habsbourgeoise dès le ’décret de tolérance’ de Joseph II. en 1782).
Il est intéressant d’observer les différences entre Juifs au nom de famille hongrois (presque nécessairement résultat d’un acte stratégique de magyarisation nominative[11]) et les autres. Si l’option des sciences politiques ou des facultés philosophiques n’est pas fréquente à Budapest chez les étudiants juifs (cf. Tableau 3), parmi les formellement magyarisés d’entre eux il y en avait plus, en chiffres absolus, que parmi les autres. Ceci en dépit du fait que dans l’ensemble concerné les magyarisés ne constituaient qu’une minorité d’à peine plus d’un tiers. A Kolozsvàr aussi (cf. Tableau 1) il y avait presque autant de Juifs ’magyarisés’ qu’autres à la Faculté des Lettres, alors qu’en médecine le rapport numérique entre les deux agrégats s’établissait de 1 à près de 3. Les sciences politiques et les lettres faisaient donc manifestement l’effet et l’objet d’options résolument ’assimilationnistes’, alors que le droit, les sciences et la pharmacie représentaient des choix ’moyens’ (c’est à dire moyennement ’assimilationnistes’) et la médecine beaucoup moins (surtout l’officiat de santé – aboli avant l’éclosion des mouvements assimilationnistes radicaux[12]). Pareille gradation de la proportion des ’magyarisés stratégiques’ ne peut être comprise sans référence aux effet attendus des atouts symboliques de la ’nationalisation’ assimilationniste dans les différents marchés professionnels auxquels les études en question devaient conduire. C’est sans doute dans l’exercice de la médecine, compétence à validité universelle et idéologiquement neutre, accompli le plus souvent en dehors de tout contrôle étatique voir public, où de surcroît les spécialistes juifs détenaient dès le début de la période dualiste une part importante (peut-être d’ores et déjà majoritaire) du marché professionnel, que le besoin de conformisme nationaliste se faisait le moins sentir.
Tableau 1.
Les étudiants des facultés de l’Université de Kolozsvár selon l’appartenance confessionnelle et les origines ethniques (1872-1918)[13]
Droit Médecine Lettres Sciences N %
Catholiques romains hongrois 14,5 11,5 17,4 21,6 3262 14,8
Catholiques romains allemands 5,6 6,8 6,6 9,1 1339 6,1
Catholiques romains, autres nat. 7,0 6,6 7,3 9,7 1575 7,2
Calvinistes (surtout hongrois) 17,7 20,7 37,6 26,8 4666 21,2
Luthériens hongrois 1,1 2,1 2,4 1,9 321 1,5
Luthériens allemands 3,2 7,3 7,9 8,5 1034 4,7
Luthériens autres (surtout Slovaques) 1,5 2,0 2,4 3,3 396 1,8
Juifs hongrois 4,1 5,4 1,1 1,2 818 3,7
Juifs autres (surtout allemands) 8,0 15,3 1,2 2,3 1739 7,9
Unitariens (surtout hongrois) 2,8 2,7 7,2 4,6 762 3,5
Gréco-Catho. (Roumains, Ukrainiens) 5,6 9,7 4,1 4,3 1311 6,0
Gréco-Orthodoxes (Roumains, Serbes) 3,8 6,9 1,7 2,1 856 3,9
autres confessions 0,4 0,3 0,4 0,2 75 0,3
Hongrois (confession inconnue) 13,3 1,0 1,5 2,4 2085 9,5
Allemands (confession inconnue) 4,9 1,0 0,5 1,3 792 3,6
Autres nation. (confession inconnue) 6,3 0,7 0,7 0,5 981 4,5
Ensemble 100,0 100,0 100,0 100,0 22024 100,0
N = 14891 3139 2844 1141 22.024
% 57,6 14,3 12,9 5,2 100,0
Tableau 2.
Le choix des études chez les étudiants de l’Université de Kolozsvár/Cluj selon les catégories ethniques et confessionnelles combinées (1872-1918)[14]
Droit Médecine Lettres Sciences total N %
Catholiques romains hongrois 66,1 11,1 15,2 7,5 100,0 3262 14,8
Catholiques romains allemands 62,3 15,8 14,1 7,8 100,0 1339 6,1
Catholiques romains, autres nat. 66,6 13,2 13,1 7,0 100,0 1575 7,2
Calvinistes (Hongrois) 56,6 13,9 22,9 6,6 100,0 4666 21,2
Luthériens hongrois 51,7 20,2 21,8 6,9 100,0 321 1,5
Luthériens allemands 46,6 22,1 21,8 9,4 100,0 1034 4,7
Luthériens autres (surtout Slovaques) 57,6 15,7 17,2 9,6 100,0 396 1,8
Juifs hongrois 73,8 20,8 3,7 1,7 100,0 818 3,7
Juifs autres (surtout allemands) 68,9 27,7 1,9 1,5 100,0 1739 7,9
Unitariens (surtout hongrois) 55,0 11,2 26,8 6,9 100,0 762 3,5
Gréco-Catho. (Roumains,Ukrainiens) 64,0 23,3 9,0 3,7 100,0 1311 6,0
Gréco-Orthodoxes (Roumains,Serbes) 66,4 25,2 5,6 2,8 100,0 856 3,9
autres confessions 70,7 12,0 14,7 2,6 100,0 75 0,3
Hongrois (confession inconnue) 95,2 1,4 2,1 1,3 100,0 2085 9,5
Allemands (confession inconnue) 92,6 3,7 1,8 1,9 100,0 792 3,6
Autres nation. (confession inconnue) 95,2 2,2 1,9 0,6 100,0 981 4,5
Ensemble 67,6 14,3 12,9 5,2 100,0 22024 100,0
N = 14891 3139 2844 1141 22.024
Tableau 3.
Les diplômés[15] des facultés de l’Université de Budapest selon la confession et l’origine ethnique (1870-1918) )[16]
Dr. en Dr. en dr. en offi- Phar- dr. et en-
Sciences droit[17] méde- cier macien prof. sem-
politiques cine de philo- ble
santé sophie[18]
Catholiques romains hongrois 36,3 25,1 11,0 16,1 23,4 7,7 15,8
Catholiques romains allemands 13,5 9,9 9,0 15,3 15,4 4,3 9,1
Catholiques romains, autres nat. 11,4 10,9 7,5 11,3 16,2 4,3 9,1
Calvinistes (Hongrois) 13,9 11,9 9,0 15,6 12,3 3,7 9,2
Luthériens hongrois 4,7 3,2 2,8 3,0 4,6 1,3 2,8
Luthériens allemands 2,3 2,2 3,3 4,3 4,8 1,6 2,7
Luthériens autres (surtout Slovaques) 2,3 2,0 2,0 2,7 4,1 1,5 2,2
Juifs hongrois 5,0 9,8 16,0 2,7 5,4 3,9 10,8
Juifs autres (surtout allemands) 3,4 16,2 31,8 23,9 9,4 2,6 19,7
Unitariens (surtout hongrois) 0,3 0,3 0,2 1,0 0,1 0,1 0,2
Gréco-Catho. (Roumains,Ukrainiens) - 3,1 1,7 0,7 2,0 0,7 2,3
Gréco-Orthodoxes (Roumains,Serbes) 0,3 0,9 3,1 1,7 2,0 0,8 1,7
Hongrois (confession inconnue) 4,4 2,1 1,2 - 0,4 32,4 7,0
Allemands (confession inconnue) 0,3 1,1 1,1 - 0,4 18,2 3,9
Autres nation. (confession inconnue) 1,8 1,0 0,4 1,3 0,4 17,1 3,6
Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
N = 1478 12693 7868 301 2699 4858 29897
% 4,9 42,5 26,3 1,0 9,0 16,2 100,0
Tableau 4.
Le choix des études chez les diplômés[19] de l’Université de Budapest selon l’origine ethnique et la confession, lorsque celle-ci est identifiée (1870-1918)[20]
sciences Droit Méde- Pharm- Philo- total % %
poli- cine[21] cie sophie[22] diplô- popu-
tiques més lation[23]
1880
Catholiques romains hongrois 10,1 42,1 16,5 11,3 20,3 100,0 19,0 25,1
Catholiques romains allemands 6,5 36,5 23,7 13,1 20,1 100,0 10,9 8,6
Catholiques romains, autres nat. 5,4 41,0 19,3 13,3 20,9 100,0 11,1 13,5
Calvinistes (surtout hongrois) 6,8 42,2 24,0 10,3 16,6 100,0 10,8 14,7
Luthériens hongrois 7,5 36,7 24,0 12,8 18,9 100,0 3,3 1,9
Luthériens allemands 3,6 32,1 27,7 13,1 23,5 100,0 3,4 2,8
Luthériens autres 4,3 33,6 19,4 13,2 28,7 100,0 2,8 3,5
(surtout Slovaques)
Juifs hongrois 2,1 44,0 34,7 3,9 15,3 100,0 12,5 2,6
Juifs autres (surtout allemands) 0,8 47,6 41,3 4,0 6,2 100,0 21,3 2,0
Unitariens (surtout hongrois) 10,0 37,2 32,2 3,7 16,7 100,0 0,2 0,4
Gréco-Catholiques (Uniates) - 64,1 17,2 3,8 15,1 100,0 2,7 10,9
(surtout Roumains et Ukrainiens)
Gréco-Orthodoxes 0,7 29,9 40,6 8,7 20,2 100,0 2,1 14,1
(Surtout Roumains et Serbes)
Ensemble 4,9 42,4 27,3 9,0 16,4 100,0 100,0 100,0
Tableau 5.
Les étudiants et diplômés nés en Hongrie dans les universités hongroises et étrangères selon la confession (1850-1918)
Kolozsvár[24] Budapest[25] Vienne Vienne Prague A l l e m a g n e[26] popu-
1872-1918 1870-1918 1849- 1890- 1850- 1867- 1890- lation
1867[27] 1818[28] 1818[29] 1890 1919 de Hon-
grie
1900[30]
Catholiques romains 34,2 39,7 37,6 46,2 54,9 24,5 24,0 48,7
Calvinistes 25,8 10,8 4,7 3,7 1,6 4,7 4,7 14,4
Luthériens 9,7 8,9 23,2 17,5 12,7 41,3 32,3 7,5
’Protestants’ - - - - - 5,8 1,6 -
Juifs 14,2 35,6 26,8 23,4 20,1 17,3 27,1 4,9
Unitariens 4,2 0,2 0,1 0,2 - 0,3 0,5 0,4
Gréco-Catholiques 7,2 2,7 2,7 2,2 0,7 1,0 0,9 10,9
Gréco-Orthodoxes 4,7 2,0 4,7 6,8 10,0 3,2 3,4 13,1
Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
effectifs[31] 18.154 25.571 6.453 6.247 1.147 1.468 3.209
[1] Le manque le plus important ici concerne l’Université Polytechnique de Budapest, outre le réseau des académies juridiques et de formation professionnelle : Ecole des mines et forêts, collèges d’agronomie, académies commerciales et militaires, grands séminaires et académies théologiques des différentes églises et communautés religieuses (dont pas moins de sept officiellement reconnues et soutenues par l’Etat : catholiques romaine et uniate - gréco-catholique -, calviniste, luthérienne, gréco-orthodoxe, unitarienne et – depuis 1895 - israélite).
[2] Malgré l’extraordinaire richesse de la documentation universitaire et scolaire dans toute la Monarchie Bicéphale depuis 1850 – date de la ’systématisation’ définitive du régime des études -, nos données sont cruellement marquées par la destruction d’une partie des archives afférantes en 1956, notamment des registres d’inscription à l’Université de Budapest d’avant 1919. Il en ressort une absence d’information systématique sur la CSP des pères d’étudiants, leur résidence et le lycée du bac, toute variables essentielles dans la détermination du cursus post-secondaire discuté ici. Les données pertinentes sont toutefois disponibles et d’ores et déjá largement élaborées pour la seconde université du pays (à Kolozsvár, depuis 1872) et sur la plupart des autres établissements d’enseignement supérieur.
[3] On ne désespère pas de pouvoir avec le temps réunir une documentation prosopographique sur l’ensemble des bacheliers entre 1850 et 1918 et, par ce biais, boucher les trous de la documentation sur les diplômés de Budapest (CSP etc.), tout en introduisant une variable précieuse – et jamais étudiée dans ce contexte – l’excellence scolaire dans le secondaire. Elle peut en effet s’objectiver dans les notes obtenues dans diverses matières par les éleves des classes terminales des lycées, ces notes étant rattachées individuellement aux listes d’éleves par classes qui figurent dans les rapports annuels (imprimés) des établissements. L’enquête sur les bacheliers a commencé et des résultats partiels ont été publiés.
[4] Dans ce régime d’études les semestres accomplis dans n’importe quelle université nationale ou étrangère pouvaient être comptabilisés en vue des examens de base (après 4 semestres) ou des examens finals (après 8 semestres), sauf en médecine (aux études plus longues). Dans ce marché international la reconnaissance des diplômes étrangers fut d’abord automatique et général, puis règlée par des législations spéciales, mais son principe restait toujours acquis et, de ce fait aussi, les pérégrinations universitaires implicitement encouragées.
[5] Cf. Annuaire statistique de la Hongrie, 1902, 19.
[6] Ce qui n’a pas toujours signifié un poids supérieur en termes d’effectifs. Si, globalement, Kolozsvàr est restée un établissement plus petit, la Faculté de droit de l’Université transylvanienne est devenue dans les années 1900 une véritable ‘fabrique de diplômés’, accordant désormais (au prix éducatif moindre, au dire de ses adversaires) davantage de doctorats en droit et en sciences politiques que l’institution aînée de la capitale.
[7] Cf. Annuaire statistique de la Hongrie, 1896, 37.
[8] Ibid. 1902, 19.
[9] Il n’y avait encore en 1910 que 10,3 % de locuteurs hongrois parmi les Luthériens de Transylvanie. Cf. Publications statistiques hongroises, nr. 64, 139.
[10] Les travaux sur la Fondation Gojdu, le plus grand dispensateur roumain de bourses et d’aides aux étudiants en Hongrie, confirment cette hypothèse. Sur les 861 bourses d’études supérieures accordées par la Fondation de 1871 à 1918, quelques 29 % allaient aux étudiants de médecine, de pharmacie et de science vétérinaire, 41 % aux étudiants en droit, 11 % aux étudiants de Polytechnique et seulement 8 % aux étudiants en lettres et sciences. Cf. Cornel Sigmirean et Aurel Pavel , Fundatia ‘Gojdu’, 1871-2001, Targu Mures, Edit. Universitatii « Petru Maior », 2002, 53-54.
[11] Un décret de Joseph de datant de 1787 imposa l’adoption d’un nom de famille allemand à tous les Juifs de l’Empire qui en avaient été jusqu’alors dépourvus. Les magyarisations ultérieures devaient être demandées par acte administratif au ministre de l’intérieur qui pouvait les refuser (cas rares à l’époque dualiste).
[12] Qui se développe dans le sillage des célébrations nationalistes en 1896, lors du ‘millennium’ de la ‘conquête de la patrie’ par les tribus magyares.
[13] Il s’agit des origines ou de l’ascendance ethniques, qui se définissent par le caractère national du nom de famille, lorsqu’elles sont distinguées.
[14] Il s’agit des origines ou de l’ascendance ethniques, qui se définissent par le caractère national du nom de famille, lors qu’elles sont distinguées.
[15] On ne dispose pas de registres d’étudiants pour cette période à l’Université de Budapest, les fonds d’archives correspondants ayant brûlé pendant le siège de la capitale en 1956. De la sorte les deux publics universitaires ne sont pas quantitativement comparables à Budapest et à Kolozsvár.
[16] Il s’agit des origines ou de l’ascendance ethniques, qui se définissent par le caractère national du nom de famille, lorsqu’elle est distinguée.
[17] Seuls les ’docteurs en droit’ proprement dits sans les docteurs en ’science de l’Etat’.
[18] Les vieilles facultés philosophiques renfermaient les filières des lettres et des sciences à la fois. L’Université de Kolozsvár faisait à cet égard exception, à la manière de l’Université napoléonienne.
[19] On ne dispose pas de registres d’étudiants inscrits pour cette période à l’Université de Budapest, les fonds d’archives correspondants ayant brûlé pendant le siège de la capitale en 1956. De la sorte les deux publics universitaires – inscrits et diplômés - ne sont pas quantitativement comparables à Budapest et à Kolozsvár.
[20] Il s’agit des origines ou de l’ascendance ethniques, qui (lorsqu’elles sont distinguées ici) se définissent par le caractère national du nom de famille.
[21] Ensemble avec les officiers de santé.
[22] Estimation des effectifs par répartition proportionnelle des catégories avec ’confession inconnue’. Cette opération introduit un biais d’ampleur inconnue. Le redressement estimatif diffère en effet selon les branches d’études et il est fondé sur l’hypothèse - invérifiable - que ceux dont la confession est inconnue sont répartis selon le critère de l’ethnicité comme les autres.
[23] Estimation d’après la répartition de la population selon la langue maternelle ou première langue parlée déclarée au recensement de 1880, un moment où l’assimilation linguistique n’a pas encore été suffisamment avancée pour bouleverser les rapports de force entre groupes nationaux, et lorsque les déclarations portant sur la compétence linguistique restait fortement corrélée avec l’ethnicité d’origine, du moins dans les groupes les moins portés à l’assimilation linguistique ou nominative. Cette corrélation peut être regardée comme forte pour les Chrétiens en général (sauf pour des groupuscules de petite taille très ’assimilationnistes’, comme les Arméniens), mais incertaine pour les Juifs. Ces derniers ont en effet par trop rapidement adopté le hongrois comme première langue parlée depuis 1880, à commencer dans leur réseau d’écoles primaires, tout en participant majoritairement au mouvement de magyarisation des noms de famille : les Juifs constituaient la majorité des ’magyarisants’ nominatifs entre 1894 et 1918. Cf. Károly Keleti, Magyarország nemzetiségei, /Les nationalités en Hongrie/, Budapest, 1882, 22. Sur la magyarisation des noms de famille cf. mes travaux : “Aspects of Unequal Assimilation in Liberal Hungary. Social Geography of the Movement to Magyarise Alien Family Names before 1918 ”, History Department Yearbook, 1997/1998, Budapest., Central European University, 1999, 49-68; « Symbolic Nation Building in a Multi-Ethnic Society. The Case of Surname Nationalization in Hungary » Tel Aviver Jahrbuch für deutsche Geschichte, XXX, (Ethnizität, Moderne und Enttraditionalisierung, sous la direction de Moshe Zuckermann), Göttingen, Wallstein Verlag, 2002, 81-103.
[24] Tous étudiants, données d’archives.
[25] Diplômés, données d’archives. La date de 1870 n’est qu’indicative, parce que les informations sur les diplômés commencent à être enregistrées à des dates un peu variables selon les facultés (1867-1875).
[26] Tous étudiants, cf. László Szögi, Ungarländische Studenten an den deutschen Universitäten und Hochschulen, 1789-1919, Budapest, 2001, 44.
[27] Tous étudiants, cf. László Szögi, József Mihály Kiss, Magyarországi diákok bécsi egyetemeken és fõiskolákon, 1849-1867, /Les étudiants de Hongrie dans des universités et académies de Vienne, 1849-1867/, Budapest, 2003, 25.
[28] Tous étudiants, cf. Cf. Gábor Patyi, Magyarországi diákok bécsi egyetemeken és fõiskolákon, 1849-1867, /Les étudiants de Hongrie dans des universités et académies de Vienne, 1890-1918/, Budapest, 2004, 33.
[29] Tous étudiants, cf. Andor Mészáros, Magyarországi diákok a prágai egyetemeken, 1850-1918, /Les étudiants de Hongrie dans les universités de Prague, 1850-1918/, Budapest, 2001, 53.
[30] Cf. Magyar statisztikai évkönyv /Annuaire statistique de la Hongrie/, 1902, 19.
[31] Effectifs à l’exclusion de ceux dont la confession est inconnue ou (exceptionnellement) autre. Ils représentent des proportions variables selon les lieux et les types d’établissement dans l’ensemble des étudiants ou diplômés. Celles-ci sont très élevées en Autriche et en Hongrie, assez faibles en Allemagne (38 % - cf. Szögi, op. cit., 44) où la plupart des établissements prussiens (sauf les écoles polytechniques) n’ont pas signalé la confession de leurs étudiants.